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Slate.fr
« Les garçons qui regardent aujourd’hui sont les hommes de demain. »
Article mis en ligne le 21 janvier 2019

Aucune de celles et ceux qui ont vu la nouvelle publicité Gillette « The Best Men Can Be » [ce que les hommes peuvent être de meilleur] n’ont cru un instant qu’elle ferait l’unanimité.

Celle-ci propose une représentation de la masculinité d’aujourd’hui en mettant en scène diverses situations où des hommes se montrent sexistes, de jeunes garçons se font mutuellement peur, physiquement et mentalement, et des papas acceptent la mentalité « les garçons sont comme ça » avant de faire un spectaculaire volte-face.

Le vaste éventail de réactions obtenues était, naturellement, le but recherché : cette pub visait à provoquer le débat, à agacer les gens et à les faire parler de Gillette. À augmenter la visibilité de la marque dans le contexte de sa part de marché déclinante et, finalement, à faire gagner plus d’argent à Procter & Gamble. Une bonne partie des critiques tourne d’ailleurs autour des motivations de la marque.

Pourtant, P&G peut très bien avoir des intentions d’ordre pécuniaire et produire une publicité digne d’éloges. Ces deux choses ne s’excluent pas mutuellement. Et cette publicité est un pas dans la bonne direction, car plus nous entendrons massivement que le harcèlement sexuel est inacceptable, qu’agresser les plus faibles est répréhensible et qu’aider les victimes est noble, plus cela influencera nos choix quotidiens et ceux de nos enfants. Il nous faut recevoir ce genre de messages de la part de nos dirigeants, de nos professeures, de nos parents –et des émissions de télévision, des films, des livres, des chansons et des publicités. Les modifications d’orientation culturelle ne sont possibles que lorsque chaque aspect de la culture adopte et normalise un changement. (...)

Les enfants apprennent en regardant ce que nous faisons, pas en écoutant ce que nous leur disons, et les garçons en particulier sont énormément influencés par leurs pères et par les personnalités masculines publiques. (...)

Et en ce moment, ce qu’ils voient et entendent inspire aux gamins des comportements négatifs. Peu de temps après les élections de 2016, le groupe Human Rights Campaign a enquêté auprès de 50.000 collégiens et lycéennes, dont 79% ont déclaré que les occurrences de harcèlement avaient augmenté depuis le début de la campagne de Trump. À peu près à la même époque, des scientifiques ont révélé que 43% des collégiennes et collégiens avaient déjà été victimes de harcèlement sexuel verbal. (...)

Ils ont découvert que dans des écoles de quartiers pro-Trump, moqueries et harcèlements étaient bien plus intenses que dans des quartiers pro-Clinton. Ces différences géographiques étaient inédites –le taux de harcèlement scolaire n’y avait pas été différent en 2013 ni en 2015. (...)

Les actes haineux entre enfants et adolescents semblent également en hausse. (...)

Un corpus considérable montre que chez les enfants, les adolescentes et les étudiants, d’autres traits de personnalité inquiétants prennent également de l’ampleur. Des recherches effectuées par Jean Twenge, psychologue de l’université San Diego State, et par ses collègues, révèlent que, au cours des dernières dizaines d’années, les élèves et les étudiants sont devenus bien plus narcissiques –plus nombrilistes et vaniteux qu’avant, ils et elles sont bien plus susceptibles de répondre oui à des propositions comme « J’aime me regarder dans la glace » et « J’attends beaucoup de la part des autres ».

Ces recherches indiquent aussi un déclin proportionnel de l’empathie chez les enfants (...)

Un poison est en train de se répandre dans la population américaine

Il semble donc que les jeunes perçoivent de plus en plus qu’ils et elles peuvent être méchantes, égoïstes et cruelles sans la moindre conséquence. Une partie de cette tendance est peut-être due au retour de bâton croissant contre le mouvement #MeToo, réaction assez tendance qui a donné lieu au hashtag #HimToo basé sur l’idée que les vraies victimes, ce sont les hommes. (...)

Lorsqu’on en arrive au point où un message suggérant que nous devons faire notre possible pour élever des enfants capables d’empathie et de compassion offense un grand pan de la population américaine, c’est qu’un poison est en train de s’y répandre et que nous avons désespérément besoin d’y trouver un antidote.