
Eloge en forme de piège. Pour Ségolène Royal, comme pour beaucoup d’autres, les femmes sont de meilleures gestionnaires d’entreprises car « elles ont l’habitude de gérer un budget familial »... Ce qui les enferme dans un « cycle de discrimination », dit l’ONU.
Lundi matin sur France Inter, celle qui vient d’être nommée vice-présidente de la Banque publique d’investissement (BPI) évoquait l’un des objectifs de cette structure : donner « un coup de pouce aux femmes qui entreprennent, parce qu’elles ont plus que les hommes des difficultés d’accès au crédit bancaire ». Et de souligner que « parmi les créateurs d’entreprises il n’y a que 25% de femmes, alors qu’elles sont davantage diplômées que les hommes ».
Mais après ce juste constat, patatras. Ségolène Royal fait observer que « les entreprises gérées par des femmes sont souvent mieux gérées ». Et c’est « peut-être parce qu’elles ont l’habitude de gérer un budget familial et qu’au bout du compte il faut toujours qu’il reste quelque chose pour nourrir les enfants » laisse tomber la vice-présidente.
LeLab d’Europe1 y voit un « éloge raté » des vertus des femmes. C’est en effet un argument qu’on retrouvait en janvier dernier, lors du débat sur le binôme paritaire au Sénat, dans la bouche de Gérard Longuet. « Nous savons, en province, que ce sont les femmes qui gèrent les maisons et les budgets et donnent les grandes directions », déclarait le sénateur UMP. Ce que nous jugions alors paternaliste.
Alors, paternaliste, Ségolène Royal ? Le problème de ce genre de déclaration est l’absence de mise en perspective. A l’image traditionnelle du « bon père de famille » vient se substituer celle de la « mère gestionnaire ». Un stéréotype vient en remplacer un autre sans remise en question. (...)
Ce même jour, un rapport de l’ONU s’intéresse justement à cette question. Olivier De Schutter, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, souligne dans ce document la nécessité de « l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes », l’importance de leur donner « davantage accès à l’éducation et à l’emploi » afin d’assurer la sécurité alimentaire.
Et c’est aussi l’occasion pour le rapporteur de mettre l’accent sur ce point crucial : s’il faut prendre des mesures en faveur des femmes, il faut aussi prendre garde à ne pas les enfermer dans des rôles prédéterminés. Comme celui de la « bonne gestionnaire » cher à Ségolène Royal, justement. « Tant que la reconnaissance du rôle des femmes dans l’économie domestique ne passera que par des mesures visant à répondre à leurs besoins particuliers, la répartition actuelle des rôles au sein du foyer et les stéréotypes sexistes qui y sont associés demeureront, voire se renforceront », avertit Olivier De Schutter en soulignant que ce « cycle de la discrimination » est notamment lié au « fardeau disproportionné de l’économie domestique »
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