La psychologue clinicienne Anne Brédart analyse les injonctions à être « forte » et « courageuse » qui pèsent sur les femmes atteintes d’un cancer du sein.
Plus de la moitié des femmes atteintes d’un cancer du sein affirment se sentir obligées de « faire bonne figure ». Elles sont également 55 % à considérer que leurs proches sous-estiment les difficultés liées à leur maladie. Ce sont les résultats d’une enquête menée en 2020 par l’entreprise pharmaceutique Pfizer pour le Collectif 1310, qui regroupe des associations de patientes confrontées à un cancer du sein.
Anne Brédart, psychologue clinicienne et chercheuse à l’Institut Curie, analyse les injonctions à être « forte » et « courageuse » qui pèsent sur les patientes. Bien loin d’aider les malades, ces « encouragements » ne font, bien souvent, que les culpabiliser et les déposséder de leur droit légitime d’être vulnérables dans l’adversité. (...)
« Ça se soigne bien », « Ne te laisse pas abattre »… les injonctions à « aller bien » et à être « fortes » sont souvent entendues par les femmes atteintes d’un cancer du sein. En quoi ces impératifs peuvent-ils avoir un effet négatif sur elles ?
Je tiens d’abord à rappeler que l’idée selon laquelle un esprit combatif aiderait à mieux affronter la maladie relève d’une croyance qui n’est absolument pas prouvée scientifiquement. Il n’existe aucun lien entre la combativité d’une patiente et ses chances de survie. Croire le contraire et le verbaliser ne fait que culpabiliser la malade.
Les femmes atteintes d’un cancer du sein ont le droit de se sentir fragiles. Leur entourage et les personnels soignants n’ont pas à forcer une attitude de « battante ». La vulnérabilité et la tristesse que peuvent éprouver les patientes ne doivent pas être oblitérées ou réprimées. Ce n’est pas en refoulant les sentiments d’une personne malade qu’on va améliorer sa qualité de vie et son bien-être lors de son parcours de soins. Bien au contraire. (...)
c’est très dur d’éprouver des émotions désagréables et douloureuses ou d’accepter qu’on a besoin d’aide, car cela acte qu’on vit une épreuve. C’est pour cela que certaines patientes font le « bon petit soldat » face à la maladie. Mais plus on refoule ses émotions, plus on favorise, à terme, les réactions amplifiées comme les crises de larmes ou parfois les explosions de colère. (...)