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blogs de Médiapart/Ulysse Rabaté, auteur de Politique Beurk Beurk ; Abdel Yassine, ancien conseiller municipal de Fleury-Mérogis
Les élections municipales, un débouché politique pour les émeutes ?
#Nahel #violencespolicieres #emeutes #élections
Article mis en ligne le 9 août 2023
dernière modification le 8 août 2023

Les émeutes qui ont secoué le pays, et son champ politique, constituent un événement politique majeur de notre histoire contemporaine. Les élections municipales peuvent sonner comme un rappel utile de la continuité entre révoltes sociales, engagements ordinaires et processus démocratique. Ici, la gauche est évidemment attendue au tournant...

Les points de clivage qui en sont issus, d’un côté une tentative de compréhension des motifs de la colère, et de l’autre une posture punitive affirmée refusant toute analyse socioéconomique, sont une donnée politique nouvelle qui recompose aujourd’hui notre champ politique - et en écho la société française toute entière.

Émeutes ou révoltes ? Vague nihiliste ou mobilisation politique ? Pour nous, ces questions n’ont pas lieu d’être. Un groupe social s’est mobilisé, avec le répertoire d’action à sa disposition, selon un cycle que toute analyse des mobilisations peut identifier désormais comme « classique » : à la mort d’un jeune des suites d’une rencontre avec la police répondent d’importantes manifestations de violences urbaines, orientées en grande partie contre la police et les bâtiments institutionnels.

Les vidéos pour manifester des idées politiques

En 2023, un fait nouveau émerge : les jeunes émeutiers n’apparaissent toujours pas sur les plateaux télé pour expliquer leurs actes, mais utilisent les réseaux sociaux, en particulier Snapchat, pour exprimer leurs points de vue en vidéos et commentaires. Il est erroné de réduire ces contenus à une simple compétition de violence : on y retrouve un certain regard sur les événements en cours, entre distance et gravité. Sur ces mêmes réseaux sociaux, des personnalités publiques issues des quartiers se sont manifestées pour soutenir le mouvement et/ou remettre en question le mode d’action des émeutiers. Des joueurs de l’équipe de France, des artistes tels que Rohff, Médine, SCH, Gradur ou Sadek, ainsi que des influenceurs emblématiques des quartiers comme Golozer ou le boxeur de Nanterre Bilel Jkitou ont participé à ces débats : ceux-ci, bien plus intéressants que ceux des plateaux de BFM, sont ancrés dans l’expérience de vie dans les quartiers populaires, revendiquant cette expérience comme une ressource positive qui permet de réfléchir et d’agir. (...)

A chaque scrutin désormais, des collectifs issus des quartiers revendiquent une légitimité à s’inscrire dans le champ politique et souvent y parviennent, contraignant les forces politiques traditionnelles à dialoguer, voire à s’allier.

Ces démarches politiques ont la particularité d’invoquer la dimension « citoyenne » de leur rassemblement pour s’adresser à un public éloigné de la politique institutionnelle. Cet enrichissement de l’espace démocratique français est sans aucun doute amené à se poursuivre. Les émeutes de 2023 sont à considérer comme une étape de ce processus.
Les élections municipales de 2026 peuvent être un moment de récupération de la politique (...)

La vague de stigmatisation et de répression qui a suivi les émeutes fait partie de cette « politique de dépolitisation des quartiers » dans laquelle se retrouvent le macronisme et l’extrême-droite.

Cette dynamique délétère ne peut être contrée que par une « récupération de la politique » par les habitants des quartiers. Les élections municipales de 2026 peuvent en être l’occasion et on aurait tort de penser que la participation au jeu politique est un tabou. (...)

La myriade de mobilisations qui ont germé ces dernières années dans les quartiers populaires a sa place dans le champ politique. La force motrice de ces initiatives qui répondent à l’urgence du quotidien n’est pas éloignée des raisons de la colère exprimée il y a un mois.

En s’imposant comme débouché politique aux émeutes, les élections municipales peuvent sonner comme un rappel utile de la continuité entre révoltes sociales, engagements ordinaires et processus démocratique. Ici, la gauche est évidemment attendue au tournant : dans quelle mesure sera-t-elle capable de construire avec cette présence politique ?