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"Les conséquences pour mon client sont désastreuses" : un Indien menacé d’expulsion après être allé prier dans une église
#migrants #OQTF #Caen
Article mis en ligne le 7 juillet 2023
dernière modification le 6 juillet 2023

À Caen, Eldhose Kollinal, un ressortissant indien de 36 ans, a été interpellé le 9 juin dernier alors qu’il priait dans une église. Ce sont des passants, interpellés par son "attitude", qui ont appelé la police. Après avoir constaté que l’intéressé était dépourvu de titre de séjour, la préfecture lui a délivré une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) sans délai, malgré son CDI dans un restaurant de la ville et la présence de sa famille.

Il n’avait rien demandé à personne, mais Eldhose Kollinal est désormais menacé d’expulsion. Ce ressortissant indien de 36 ans, a été interpellé le 9 juin dernier, à Caen (Calvados), alors qu’il était en train de prier dans l’église Saint-Pierre.

C’était pourtant une habitude pour ce chrétien pratiquant et baptisé (le catholicisme est la 3e religion en Inde, en termes de proportion). Mais en l’apercevant entrer dans l’édifice religieux, des passants inquiets ont appelé la police, prétextant qu’il avait un comportement suspect. La veille, à Annecy, un réfugié syrien avait attaqué plusieurs personnes au couteau, blessant grièvement des enfants en bas-âge. (...)

À leur arrivée, les policiers municipaux ont constaté que l’intéressé n’avait pas ses papiers et l’ont embarqué au commissariat pour une retenue administrative pour vérification du droit au séjour. C’est la première fois que ce dernier avait affaire aux forces de l’ordre en France. (...)

Après avoir passé 24h à l’hôtel de police, Eldhose Kollinal se voit adresser une nouvelle OQTF sans délai (recours sous 48h maximum).
Interpellé un mois avant sa potentielle régularisation

Pour son avocate, Me Marina Wahab, contactée par InfoMigrants, "c’est vraiment la faute à pas de chance". Lorsqu’elle se saisit du dossier, la jeune femme constate rapidement plusieurs vices de procédure : les policiers municipaux n’ont notamment pas le droit d’interpeller dans un lieu de culte. Mais, même si l’arrestation s’est déroulée dans une église, "ce vice de procédure n’induit pas une annulation de l’OQTF", s’inquiète l’avocate qui a adressé un recours au tribunal administratif.

Impossible également de s’appuyer sur le respect de la vie familiale du prévenu (article 8 de la Cour européenne des droits de l’Homme) pour empêcher son expulsion : son épouse ne dispose pas non plus de la nationalité française, tout comme leur fils de deux ans, né ici. (...)

Il espérait obtenir l’admission exceptionnelle au séjour fin juillet grâce à sa bonne insertion professionnelle. "À partir du mois de cette date, mon client allait comptabiliser 24 fiches de paie, ce qui permet de déposer une demande de régularisation par le travail grâce à la circulaire Valls. Et son employeur lui avait assuré de son soutien", témoigne Me Marina Wahab qui qualifie le dossier "d’injuste". "J’ai très peur de perdre mon travail", déclare en anglais Eldhose Kollinal, contacté par InfoMigrants.
"Il y a de la suspicion dès qu’un étranger rentre dans une église"

De son côté, le comité local de la Cimade a organisé un rassemblement d’une centaine de personnes lors de l’audience d’Eldhose Kollinal au tribunal administratif de Caen (...)

Victime collatérale de l’attaque d’Annecy

À entendre Me Marina Wahab, les forces de l’ordre sont sur les dents depuis l’attaque au couteau d’Annecy, le 8 juin dernier. "Je n’ai pas vu d’autres dossiers aussi flagrants, mais en tant qu’avocate à Caen, on observe qu’il y a de plus en plus d’OQTF qui sont liées à un contrôle d’identité des personnes. Ce sont les pires car elles ne sont pas liées à un refus de séjour, mais à une interpellation", explique Me Wahab. (...)

Avocat spécialisée en droit des étrangers à Paris, Alexis Tordo constate également qu’il y a de plus en plus d’OQTF sans délais et que le motif de "menace à l’ordre public" est de plus en plus utilisé par l’administration contre les étrangers. "Si demain, j’ai un souci avec un étranger et que je sais qu’il a un titre de séjour précaire, le simple fait de porter plainte contre lui pour vol ou autre va entraîner pour l’administration la caractérisation de menace à l’ordre public", explique-t-il. "Or, le critère de menace à l’ordre public n’oblige absolument pas l’administration à vérifier l’effectivité de la sanction pénale".

Maigre réconfort pour Eldhose Kollinal, une centaine d’anonymes, journalistes ou bénévoles d’associations, dont la Cimade, sont venus le soutenir lors de son audience au tribunal administratif de Caen. Ce dernier devrait procéder au délibéré d’ici la mi-juillet.