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le Monde Diplomatique
Les câbles sous-marins, une affaire d’États
Article mis en ligne le 14 juillet 2021

Le rêve libertarien d’un Internet régulé par les seules entreprises privées s’estompe. Longtemps impuissants face à un phénomène qu’ils ne comprenaient pas, les États regagnent le devant de la scène numérique. Et pèsent de plus en plus sur l’architecture physique du Net, enjeu de souveraineté et de pouvoir au XXIe siècle, comme les câbles télégraphiques dès le XIXe siècle.

La Wehrmacht l’appelait Martha. Aujourd’hui, une carapace couleur rouille cache le gris du béton. Sur la route qui longe le grand port maritime de Marseille en direction de l’Estaque, l’ancienne base sous-marine nazie est restée à l’abandon pendant plus de soixante-dix ans. Le bunker inachevé a servi de prison militaire aux Alliés après le débarquement de Provence. Puis plus rien. Jusqu’à peu, quelques initiés venaient admirer de vieux dessins oubliés sur les murs, probablement l’œuvre de détenus allemands. Ils sont désormais inaccessibles, claquemurés depuis 2020 derrière les cloisons de MRS3, l’un des immenses centres de données de la société Interxion.

« Je ne peux pas vous laisser entrer là. Ce sont des plates-formes cloud très sensibles, et on a des clauses de confidentialité longues comme le bras », lâche d’emblée M. Fabrice Coquio, président de l’entreprise. Le site est civil, mais la sécurité digne d’une base militaire. C’est ici qu’aboutissent une partie des quatorze câbles sous-marins de fibre optique qui arrivent dans la cité phocéenne. Des données venues du monde entier, stockées et échangées dans les centres informatiques des clients : Google, Amazon, Facebook, un cabinet d’avocats, la Société des eaux locale, comme des opérateurs de télécommunication. L’État français, aussi. « Cela ne fait pas si longtemps que les pays européens s’intéressent ouvertement aux acteurs privés de l’infrastructure du Net », remarque M. Coquio. Secrètement, ils l’ont fait dès les années 2000. (...)