
Les chauffeurs Uber de Seattle viennent de remporter une victoire historique : celle de se syndiquer et de négocier collectivement et donc d’obtenir leur statut de salarié. Une brèche dans un nouveau système d’exploitation paré des vertus de la modernité et de l’autonomie.
Depuis 2009, on compte en Californie, 160 000 chauffeurs ayant contracté à un moment donné avec cette société qui est valorisée aujourd’hui à 50 milliards de dollars. Daniel Negash Ajema est l’un d’entre eux. Il a commencé ses activités de chauffeur alors qu’il était étudiant et attiré par la flexibilité de l’emploi et la facilité de l’exercer. Il utilisait son véhicule personnel. Mais rapidement il remarqua des comportements étranges de son « employeur ». Des chauffeurs qui ne faisaient pas assez de courses étaient brutalement radiés de l’application. Ces taux de courses minimales à effectuer étant fixés, par mails, unilatéralement et individuellement par la société qui soustrait 20% de chaque course à son profit. Un prélèvement exorbitant (...)
La rencontre de Daniel avec un jeune Uber d’origine somalienne qui venait de perdre son droit à l’usage de l’application en raison de son nombre de courses insuffisant le décida à regrouper quelques chauffeurs pour changer cette situation. Ce jeune chauffeur somalien qui s’était endetté pour acquérir une voiture se retrouvait dans une situation désespérée. « Nous étions 15 à la première réunion » se souvient-il. (...)
Les syndicats solidaires des chauffeurs
À Seattle, de nombreux chauffeurs Uber sont originaires de l’Afrique de l’ouest, de Somalie et d’Érythrée, ce qui a alors représenté un avantage pour mobiliser via les réseaux communautaires explique Sonia Singh de la revue syndicale de gauche Labor Notes. Une campagne est organisée. Tracts, page Facebook, rassemblements devant le siège de l’entreprise. Quelques mois plus tard un meeting rassemble 200 chauffeurs qui élit une délégation pour rencontrer la direction qui persiste, cependant, à vouloir considérer les chauffeurs comme des contractants individuels et refuse toute discussion. Déçus par la réponse d’Uber, les chauffeurs décident alors de contacter la section 117 des Teamsters (le syndicat des transports) qui répond favorablement à cette demande de soutien. (...)
Afin de pouvoir toucher plus largement les chauffeurs, des imans informent les fidèles de la lutte en cours et autorisent les Ubers de recruter des membres sur les parkings des mosquées. Plutôt que de s’affronter frontalement à Uber, le syndicat propose aux chauffeurs de diriger leurs efforts vis-à-vis de la municipalité. Après une année de lutte, la ville de Seattle reconnaît enfin, en décembre 2015, par le vote unanime d’un arrêté municipal, le droit de négociation collective et donc de syndicalisation des chauffeurs même si elle maintient que ceux-ci sont des contractants individuels.
Une victoire à étendre (...)