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« Les Renards pâles », récit d’un soulèvement inattendu
- Les Renards pâles, par Yannick Haenel, éditions Gallimard, 192 p., 16,9 €.
Article mis en ligne le 29 septembre 2016
dernière modification le 23 septembre 2016

Dans ce livre de 2013, le romancier Yannick Haenel, à travers le désœuvrement volontaire de son protagoniste, traque les abjections de l’État policier français dans un Paris qui n’a plus rien de révolté. Jusqu’au moment où des sans-papiers maliens sonnent la rébellion populaire et font de nouveau exister la politique.

« La politique était morte, en même temps que la poésie. » Triste constat à l’issue irrémédiable, le chaos. Un chaos qui, pour Yannick Haenel, n’est pas une fatalité puisqu’il invite au soulèvement. Avec Les Renards pâles, l’écrivain français fait de la littérature un rempart où subsiste le politique. Où le poétique ne se fait que plus subversif.

Les Renards pâles, c’est l’histoire d’un désœuvrement : le personnage principal, Jean Deichel, est viré de son logement, il est chômeur et finit par brûler sa carte d’identité. C’est un « sans » — abri, emploi, papier. Ceux que notre société rejette à la marge, ceux qu’elle considère « comme des parasites ». La vie est alors rudimentaire : installé dans une voiture garée dans le 20e arrondissement parisien, Jean Deichel lit à la bibliothèque et s’allonge dans des parcs, « les dernières activités gratuites ».

C’est un désœuvrement volontaire, ce choix a toute son importance. La renonciation vaut contestation, elle dit le refus d’un système et les failles de notre organisation collective : « On veut nous faire croire que le travail est la seule façon d’exister, alors qu’il ruine les existences qui s’y soumettent. Ceux qui s’imaginaient survivre grâce à un travail cherchent désormais comment survivre à celui-ci. »

« Quelque chose crissait, les rouages étaient usés, c’était mal réglé » (...)

Le lecteur se laissera vite transporter par l’acuité de cette anticipation. Lorsqu’est paru ce roman, en 2013, ni la crise des réfugiés ni les mobilisations type Nuit debout ne connaissaient une telle ampleur en France. Deux phénomènes qui disent une même absence dans notre société, que Yannick Haenel prophétise ainsi : « Le jour où ceux dont l’existence est récusée par l’économie trouveront une parole, alors la politique existera de nouveau. »