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Reporterre
Les Gilets jaunes donneront le ton de la rentrée sociale
Article mis en ligne le 12 septembre 2020

Gilets jaunes ce samedi, syndicats la semaine prochaine… Les rendez-vous militants s’enchaînent, mais les foules seront-elles au rendez-vous ? En temps de coronavirus, les mouvements sociaux cherchent un nouveau souffle

Jérôme Rodrigues sur les Champs-Élysées, Priscillia Ludosky place de Wagram. C’est la grande rentrée des Gilets jaunes samedi 12 septembre, avec des appels à manifester à Paris mais aussi dans de nombreuses villes en France (Lyon, Toulouse, Lille, Nantes, Marseille…). « C’est la rentrée du mécontentement ! dit à Reporterre Jérôme Rodrigues. Nous avons évalué qu’il y aurait 20.000 à 25.000 personnes à Paris. »

Le mot d’ordre sonne comme un retour aux sources : « On va se recentrer sur la justice fiscale et sociale et le manque de démocratie », précise la figure des Gilets jaunes. « Je trouve particulièrement intéressant le rassemblement pour une réécriture citoyenne de la Constitution », ajoute Priscillia Ludosky.

À quel point les Gilets jaunes se mobiliseront-ils ? Alors qu’ils ouvrent le bal des mobilisations de la rentrée sociale, quel ton vont-ils lui donner ? La moiteur de l’été a dilué les ardeurs printanières de fin de confinement, où les propositions pour un « monde d’après » fleurissaient. Les services de renseignement, face à l’hyperactivité virtuelle des militants, craignaient un déconfinement mouvementé. (...)

En plus de ce samedi 12 septembre, le 17 septembre, les syndicats appellent à une journée de grève générale et de manifestation. Les 25 et 26 septembre, ils remettront le couvert accompagnés des ONG, avec une mobilisation « pour le climat et l’emploi ».
« Il y a un risque d’autocensure des mouvements sociaux. »

Pour l’instant, un calme relatif règne sur le front des mobilisations sociales. On verra si ce samedi des Gilets jaunes changera la donne. Le mouvement social cherche un nouveau souffle. « Nous sommes dans une situation compliquée, estime Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac. Le confinement a brutalement rompu un cycle de mobilisations importantes, qu’on peut même faire remonter à la COP21, suivie de la protestation contre la loi Travail, les Gilets jaunes, les marches climat, la bataille des retraites… Et toutes passaient par l’occupation des places publiques. »

La militante avoue ne pas trop savoir par quel bout prendre cette rentrée sous coronavirus. « On est tous marqués individuellement, dans nos vies, par la crise sanitaire. Et puis, en tant qu’organisation, si on organise un événement, on n’a pas envie qu’il soit un foyer de contamination ! Il y a un risque d’autocensure des mouvements sociaux. » (...)

Dans les faits, la principale limite pour l’instant est que les rassemblements de plus de 5.000 personnes sont interdits. Le Conseil d’État avait retoqué le décret gouvernemental qui voulait instaurer une autorisation préalable de manifestation.

Concernant les conséquences du coronavirus sur la possibilité de se mobiliser, « on a peu de recul », constate l’avocate Alice Becker. Elle fera partie de l’équipe juridique suivant la mobilisation des Gilets jaunes ce samedi. Pour l’instant, ce sont plutôt les classiques outils d’avant le confinement que les manifestants craignent : le préfet de Police de Paris a interdit aux Gilets jaunes tous les secteurs de la capitale où ils ont l’habitude de manifester. Jérôme Rodrigues a appelé à refuser les contrôles d’identité, quitte à passer quatre heures au commissariat. « Le contrôle d’identité est une façon de restreindre les gens dans leur liberté de manifester », observe Me Becker.

Elle s’inquiète notamment de cas où des manifestants, à la sortie du confinement, ont été verbalisés pour avoir participé à une manifestation. En Aveyron, une cinquantaine de manifestants ont été verbalisés… à distance ! « Et après la marche pour Adama, des personnes ont aussi eu une amende de 135 euros, alors qu’ils quittaient le rassemblement », rapporte-t-elle. « Le laboratoire de la mobilisation en temps de coronavirus, ce sera samedi. » (...)

Une myriade de luttes, dans les entreprises qui licencient, s’annoncent. « Notamment dans l’industrie et le commerce, dit Éric Beynel. Je pense à une usine de sous-traitance automobile à Tulle, à la sous-traitance d’Airbus autour de Toulouse, à Auchan qui a annoncé la suppression de 1.400 postes. » Ces combats seront-ils étouffés par le coronavirus, les salariés empêchés de lutter collectivement par la peur de la contamination ? « Les salariés se rassemblent quand même, observe le leader syndical. Le coronavirus n’empêche pas de se mettre en grève. » (...)

Les militants mettent aussi en avant les rassemblements contre les violences policières et le racisme de juin, organisés par le comité Adama, et qui ont eu une ampleur inespérée. « Là, le coronavirus n’a pas empêché les gens de sortir », souligne Priscillia Ludosky. « Même les manifestations interdites ont eu lieu », ajoute Éric Beynel. « Et puis, cela a confirmé des convergences inédites entre différentes luttes », ajoute Aurélie Trouvé. « Le Covid met en évidence une crise du système, et donc accélère la convergence entre les luttes antisystème. » (...)

« Notre responsabilité est immense, affirme Aurélie Trouvé. La situation est dramatique, l’État avance son agenda néolibéral et productiviste comme jamais. On nous annonce des centaines de milliers de chômeurs. Sans mouvements sociaux dans les mois à venir, on pourra toujours se brosser pour avoir la gauche au second tour en 2022. »