
En rejetant le Pacte budgétaire, députés et sénateurs peuvent refuser l’austérité perpétuelle et relancer le débat en Europe
« Le poids de la dette est devenu écrasant. L’État verse ainsi près de 50 milliards d’euros par an à ses créanciers. Cette somme représente la première dépense, juste devant le budget de l’Éducation nationale ; elle est supérieure aux budgets de la recherche, de la justice et de la sécurité réunis. C’est inacceptable ! La dette, c’est moins d’écoles, moins de crèches, moins d’hôpitaux, moins de transports publics... »
C’est Jean-Marc Ayrault qui parlait ainsi de la dette publique dans son discours de politique générale en juillet dernier.
Mais pour remédier à cette situation, il reprend l’objectif affiché par François Hollande, une réduction à marche forcée du déficit public, visant 3% du PIB dès 2013 et le déficit « zéro » en 2017.
Ce n’est pas un hasard : le déficit « zéro » est l’objectif n°1 du Pacte budgétaire, le nouveau traité négocié par Sarkozy et Merkel pour imposer définitivement l’austérité comme seule politique possible en Europe.
François Hollande avait promis lors de sa campagne de rompre avec cette logique mortifère. Mais, à l’issue du sommet européen des 28 et 29 juin, le nouveau président français a finalement accepté de ratifier le Pacte.
Selon lui, il aurait obtenu des mesures de croissance permettant de « réorienter l’Europe ».
C’est faux : le Pacte budgétaire, inchangé, est toujours aussi nocif, et le pseudo-« Pacte de croissance » adopté le 29 juin n’est que poudre aux yeux. Au moment où l’Europe s’enfonce dans une inquiétante récession provoquée par les politiques d’austérité, ratifier le Pacte budgétaire signifie accélérer la course à la catastrophe. (...)
La crise financière a été provoquée par la finance dérégulée. Mais à peine sauvés par l’ État, les banquiers ont profité des déficits publics provoqués par la crise pour lancer un nouvel assaut contre l’ État social.
Avec leurs alliés (instances européennes, chefs d’État et de gouvernement), ils ont décidé de réduire brutalement les droits sociaux. Le Pacte budgétaire s’inscrit ainsi dans la lignée des plans d’austérité menés dans toute l’Europe, qui se ressemblent tous : coupes dans la fonction publique (suppressions de postes, gel ou réduction des salaires) et dans les ressources des collectivités locales ; coupes dans la protection sociale (retraites, assurance maladie, chômage…) ; coupes dans les services publics (fermetures d’hôpitaux, de classes…).
Ces mesures sont socialement injustes car elles touchent en priorité les populations les plus précaires, les femmes, les jeunes, les classes populaires. Pas ceux qui ont organisé et profité de la spéculation et des profits boursiers et immobiliers ! Mais elles sont aussi économiquement désastreuses. (...)
Pour réduire le déficit, les gouvernements disposent d’une autre option : augmenter les impôts. Les hausses d’impôts votées par le Parlement en juillet touchent davantage les plus riches et les grandes entreprises, et c’est une bonne chose. Mais pour les « économistes à gages » et le récent « audit » de la Cour des Comptes, il serait dangereux d’aller plus loin.
En effet le Pacte budgétaire conserve bien sûr la liberté totale de circulation des capitaux en Europe, ainsi qu’entre l’Europe et le reste du monde. Augmenter davantage les taxes sur le capital ferait fuir les fortunes…
Pour respecter la « règle d’or » c’est bien plutôt la hausse de la TVA qui est prônée par la Commission européenne, et qui est déjà intervenue dans tous les pays du Sud de l’Europe. En France, après l’annulation de la « TVA sociale » de Sarkozy, c’est une hausse de la CSG qui est sans doute programmée par le gouvernement pour « alléger le coût du travail ». (...)
Réduire les déficits à marche forcée ne leur suffit pas : les instances européennes poussent partout au détricotage du droit du travail pour « améliorer la compétitivité ». Pouvoir licencier plus facilement, réduire les droits et accords collectifs, favoriser la négociation individuelle des salaires et des contrats de travail… c’est ce que prône le « Pacte de compétitivité » (adopté par le Conseil européen en mars dernier, en même temps que le Pacte budgétaire). (...)
Le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui complète le Pacte budgétaire, a ainsi été bâti comme un FMI européen : il « aide » les pays surendettés à rembourser leurs créanciers, avec en contrepartie une brutale cure d’austérité.
Ces saignées imposées aux pays surendettés ruinent les populations.
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L’objectif même de la règle d’or – le déficit zéro – n’a aucune justification économique
La « règle d’or » n’est pas une règle économique mais purement idéologique, un ultra-libéralisme qui vise à ôter à l’État toute marge de manœuvre. Mais le cercle vicieux de l’austérité - austérité, récession, déficits, dette, austérité… - peut avoir des conséquences politiques imprévisibles en Europe.
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En Grèce, en Espagne, en France mais aussi en Allemagne des forces sociales potentiellement majoritaires ont un intérêt commun à réorienter radicalement l’Europe pour éviter le désastre social et démocratique en cours. La condition décisive : enclencher un vaste débat démocratique qui lève l’obstacle de la passivité et de la résignation populaire. En France, l’organisation par les pouvoirs publics d’un débat référendaire, et à défaut d’un référendum d’initiative citoyenne par la société civile, en serait un outil précieux. (...)
Un rejet du Pacte budgétaire par la France serait le signal décisif pour enclencher une dynamique de refondation démocratique de la construction européenne. Aidons les députés et sénateurs de la majorité présidentielle à le comprendre !
Agissons !
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