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Le sang, la colère et le printemps
Article mis en ligne le 1er avril 2016

Le gouvernement Valls veut-il un nouveau Rémi Fraisse ? La répression policière qui s’est abattue cette semaine sur la jeunesse de France met à nu un pouvoir qui a fait le choix de l’intimidation et de la radicalisation, aux seules fins de discréditer la contestation de la loi « Travail ». La responsabilité des présidents d’université est aussi lourdement engagée.

Le sang a coulé dans les amphis et sur les parvis des facultés, à Strasbourg et Paris, dans les rues de Marseille, et de Nantes aussi. Et à Caen, Rouen, Metz, Lyon, d’autres villes encore. Quelques gouttes, parfois des taches, qu’on peine à effacer. Le sang du 17 mars, les hématomes et les os brisés resteront longtemps dans la chair et la mémoire des lycéens et des étudiants matraqués. Pourtant, les grands médias, les télévisions, la presse nationale en parlent à peine. En ce jour de printemps, Salah Abdeslam continue de faire les unes. Le terrorisme est un peu plus chaque jour le voile médiatique dont on recouvre l’état d’urgence et l’action de l’Etat.

Mais la mémoire numérique ne s’efface pas. Du moins pas encore. Des témoignages sont diffusés sur les réseaux sociaux. Photos, textes et vidéos circulent. Voir ici et là pour l’évacuation de Tolbiac, et là encore pour un compte-rendu de la comparution immédiate de quatre jeunes arrêtes le 17 mars. Voir ici la charge violente des CRS sur le campus de l’université de Strasbourg (5 blessés dont une lycéenne). Le site On vaut mieux que ça propose une synthèse, Mediapart rend compte des circonstances de l’évacuation du site de Paris 1 et le SNESUP-FSU dénonce des « répressions policières inadmissibles », en mentionnant l’arrestation d’un étudiant dans les locaux de Lyon 2. Il a été remis à la police par des agents employés par l’université, sur ordre du président. Le seul délit de cet étudiant : quelques graffiti dans les toilettes…

Tolbiac fut un guet-apens. Strasbourg une décision irresponsable. Et Lyon 2 une collaboration inique. Partout la même répression, l’arbitraire et la violence pure d’un Etat qui sait ce qu’il fait en le faisant.

Trois constats s’imposent :

1. La violence délibérée et disproportionnée des forces de l’ordre : des dizaines de blessés en une seule journée, déploiement de moyens considérables (200 CRS et 50 membres de la BAC à Tolbiac pour une trentaine d’étudiants dans un amphi).

2. La participation active de plusieurs présidences et directions d’université, en dépit des franchises universitaires qui encadrent strictement l’intervention des forces de l’ordre sur les campus : seul le président peut l’autoriser.

3. La systématicité et la coordination des actions de répression à l’occasion d’une même journée de mobilisation nationale des organisations de jeunesse contre la loi « Travail ».

Une question découle naturellement de ces constats : un ordre politique de ferme répression a-t-il été donné ? Tout porte à le croire. Si oui, qui a donné cet ordre ? La question vise le sommet de l’Etat.

Mais la faute n’est pas que politique. Elle est aussi académique et éthique. (...)

. La gouvernementalité autoritaire de Manuel Valls veut faire passer l’état d’urgence permanent pour une conséquence naturelle du terrorisme, alors qu’il est une pure création de l’Etat qui l’institue en coup d’Etat permanent contre les libertés fondamentales. Elle instrumentalise quotidiennement les médias en vue de produire une intériorisation de la peur et de la violence, une aseptisation des consciences, une annihilation de toute forme d’intelligence critique, et en définitive un affaiblissement des esprits et une déshumanisation qui provoquent leurs ravages du petit chef de bureau jusqu’au sommet de l’Etat, en passant même par une partie des corps intermédiaires.

Du monde de l’entreprise aux services publics, la gouvernementalité autoritaire s’insinue partout, modèle nos vies, nos manières d’agir et de penser. (...)

Ils veulent criminaliser les étudiants et la jeunesse ? Criminalisons leur répression ! Saisissons les tribunaux, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le Défenseur des droits. Déposons des recours au TA contre les décisions des présidents de faire appel aux forces de l’ordre ! Et surtout que les victimes des violences portent plainte contre la police !

Ils ferment les bâtiments des universités pour nous empêcher de tenir nos réunions et nos AG ? Tenons nos réunions et nos AG sur les parvis et les places, dans les parcs et les rues, sur l’herbe et les pavés !

Ils nous expulsent de nos lieux d’étude et de travail ? Rendons-nous dans les entreprises, les usines et les administrations pour expliquer aux salariés la vraie nature de la loi « Travail » !

Ils manipulent les médias et distillent des mensonges à longueur de journée ? Témoignons sur les réseaux sociaux, mettons en ligne films et photos, montrons les faits, apportons des preuves, rétablissons la vérité !

Ils cherchent la provocation et la violence pour nous discréditer aux yeux de l’opinion ? Répondons par le calme, la non violence, l’organisation et la détermination !

Pascal Maillard