
Ce 2 septembre s’ouvre le procès des attentats de janvier 2015.
Les frères Chérif et Saïd Kouachi et Amedy Coulibaly ne seront pas jugés lors de ce procès puisqu’ils ont été abattus par les forces de l’ordre, ce qui éteint l’action publique.
Tous trois ont été les auteurs directs des attentats sur la rédaction de Charlie Hebdo à Paris, à Montrouge et dans le supermarché Hypercacher de la porte de Vincennes qui ont fait dix-sept morts et plusieurs blessés entre le 7 et le 9 janvier 2015.
En revanche, onze personnes seront dans le box des accusés pour avoir facilité les actes terroristes en question et trois autres, actuellement en fuite, seront jugées en leur absence.
Les qualifications retenues à leur encontre seront celles de complicité et d’association de malfaiteurs terroriste.
À bien des égards, ce procès est unique. Non seulement par son fort impact médiatique, sa durée, mais aussi en raison des débats sociétaux qu’il relance, comme celui sur les limites de l’état de droit.
Un procès devant une cour d’assises sans jurés
Ce n’est que depuis une loi de 1986 que les actes terroristes font l’objet d’un traitement particulier en droit français. (...)
Pendant vingt ans, les images ne pourront être consultées qu’à des fins historiques ou scientifiques. La reproduction et la diffusion de ces images ne seront libres que cinquante ans après la fin du procès.
Un procès pour apporter des réponses
Les familles des victimes et les survivant·es des attentats voient dans le procès un moment unique pour s’exprimer, extérioriser leurs douleurs et angoisses mais également un moyen d’obtenir des réponses à des questions telles celles de savoir quelles étaient les motivations profondes des auteurs, quels mécanismes ont pu les amener à cette extrémité meurtrière...
Des réponses qu’attend aussi l’ensemble de la société. Or, les questions sont nombreuses et les protagonistes ne seront pas forcément enclins à se montrer diserts. Ainsi, Salah Abdeslam, auteur des attentats du Bataclan et seul rescapé parmi les attaquants, refuse de collaborer avec la justice.
En tout état de cause, il reviendra à la cour, et spécialement à son président, Régis de Jorna, magistrat expérimenté, de mener les trois mois de débats de manière à satisfaire aux mieux les différentes attentes sans dénaturer le procès. (...)
La loi définit précisément les conditions légales d’existence de la complicité comme de l’association de malfaiteurs et ce n’est que si la cour est intimement convaincue de l’existence de ces éléments qu’elle pourra entrer en voie de condamnation. Il s’agit de l’application concrète du principe de la légalité criminelle qui est à la base de notre système pénal et sur lequel repose la notion d’état de droit.
Juger les absents
Trois des accusé·es renvoyé·es devant la cour d’assises spéciale ne seront pas dans le box des accusés et ne pourront donc pas répondre aux nombreuses questions qu’auraient eu à leur poser les magistrat·es.
Il s’agit d’Hayat Boumedienne, l’épouse religieuse d’Amedy Coulibaly, et de Mehdi et Mohamed Belhoucine qui sont en fuite, peut-être en Syrie, ou qui auraient trouvé la mort sur les théâtres d’opérations. En l’absence de preuve formelle de leur décès, ces trois personnes sont renvoyées devant la cour d’assises.
Leur absence est d’autant plus regrettable qu’elles sont soupçonnées d’avoir eu des rôles cruciaux dans la préparation des attentats. (...)
Lorsque l’individu accusé est en fuite ou n’est pas présent à l’ouverture de l’audience sans excuse valable, il peut être jugé dans des conditions très similaires à ce qui se passe en présence de l’accusé. (...)
Le débat sur les limites de l’état de droit relancé
Les affaires de terrorisme alimentent un débat relatif au bien-fondé, en la matière, du respect des grands principes qui fondent l’état de droit tels que le droit à un avocat, le droit de garder le silence, le principe de la légalité criminelle, le droit de faire appel ou le droit à l’aide juridictionnelle. Dans cette théorie, la protection du citoyen prime sur tout, y compris les garanties fondamentales.
L’idée majeure consiste à dire qu’il est schizophrénique de vouloir appliquer les garanties liées à l’état de droit, à des criminels dont le but est la destruction de ce modèle social.
Il est aisé de constater de tels développements sur les réseaux sociaux, en particulier concernant l’aide juridictionnelle dont peuvent bénéficier les personnes poursuivies pour terrorisme, comme toute autre personne qui n’a pas les moyens financiers d’acquitter les frais liés à sa défense en justice.
Peut être est-il plus inquiétant de constater que cette même idée prospère chez certains élus de la République et débouche même sur une proposition de loi non retenue, qui visait à supprimer cette aide juridictionnelle pour les auteurs ou autrices d’actes terroristes.
Mais l’état de droit est ou n’est pas. Il ne souffre d’aucune exception. C’est cet absolutisme qui est le rempart à l’autoritarisme et à l’abolition des libertés. Certes, il y a un prix à payer pour cette garantie, c’est une relative vulnérabilité de notre société. Mais pour reprendre et étendre les propos de l’avocate Laure Heinich à propos de Salah Abdeslah : que gagne notre société à respecter ces principes ?
Le fait d’être une démocratie ! Gageons que le procès Charlie Hebdo et ceux qui suivront le démontreront. (...)
Le débat sur les limites de l’état de droit relancé
Les affaires de terrorisme alimentent un débat relatif au bien-fondé, en la matière, du respect des grands principes qui fondent l’état de droit tels que le droit à un avocat, le droit de garder le silence, le principe de la légalité criminelle, le droit de faire appel ou le droit à l’aide juridictionnelle. Dans cette théorie, la protection du citoyen prime sur tout, y compris les garanties fondamentales.
L’idée majeure consiste à dire qu’il est schizophrénique de vouloir appliquer les garanties liées à l’état de droit, à des criminels dont le but est la destruction de ce modèle social.
Il est aisé de constater de tels développements sur les réseaux sociaux, en particulier concernant l’aide juridictionnelle dont peuvent bénéficier les personnes poursuivies pour terrorisme, comme toute autre personne qui n’a pas les moyens financiers d’acquitter les frais liés à sa défense en justice.
Peut être est-il plus inquiétant de constater que cette même idée prospère chez certains élus de la République et débouche même sur une proposition de loi non retenue, qui visait à supprimer cette aide juridictionnelle pour les auteurs ou autrices d’actes terroristes.
Mais l’état de droit est ou n’est pas. Il ne souffre d’aucune exception. C’est cet absolutisme qui est le rempart à l’autoritarisme et à l’abolition des libertés. Certes, il y a un prix à payer pour cette garantie, c’est une relative vulnérabilité de notre société. Mais pour reprendre et étendre les propos de l’avocate Laure Heinich à propos de Salah Abdeslah : que gagne notre société à respecter ces principes ?
Le fait d’être une démocratie ! Gageons que le procès Charlie Hebdo et ceux qui suivront le démontreront.
l’intégralité du procés #ProcesAttentats2015 à retrouver en live tweet sur ▶️@alexfache https://t.co/WzPSQ93o4S
— L'Humanité (@humanite_fr) September 2, 2020