Souvenez-vous. Février n’est pas terminé et déjà les éditorialistes saluent le “pari gagné” d’Emmanuel Macron qui, en refusant un reconfinement, s’est rendu “maître du Covid”… Un mois plus tard, les mêmes vantent le “temps gagné” par le président et continuent à clamer la pertinence de son pari, seulement contrarié par la mauvaise volonté du virus.
Macron, pari gagné. » C’est le titre de l’édito de Jean-Michel Aphatie le 16 février dernier sur LCI. Pour le prouver, l’éditorialiste a mené une rigoureuse enquête auprès d’un autre éditorialiste. « Dans son édito du Figaro, Alexis Brézet se moque de tous ceux qui, il y a trois semaines, disaient : “Le reconfinement, on n’y coupera pas.” » Ils n’avaient rien compris à la dynamique de l’épidémie – et de notre président. « Trois semaines après, trompette Jean-Michel Aphatie, il faut reconnaître qu’on n’est pas reconfinés. » Le chef de l’État a gagné. « Alors que les pays européens autour le sont plutôt. » Ils n’ont pas la chance d’être gouvernés par un génie qui va « finir épidémiologiste », selon un ministre alors cité par France Inter. (...)
En réalité, pour qui ne limite pas ses sources d’information au Figaro et au JDD, le débat a commencé début janvier et, très vite, les épidémiologistes, examinant l’évolution de la situation outre-Manche, ont parfaitement modélisé la hausse exponentielle des cas de Covid qu’entraînerait la circulation des variants. « Notre esprit est préparé parce que les médecins, qui nous disent connaître les questions sanitaires – évidemment qu’un médecin connaît plus ces questions sanitaires qu’un cordonnier ou qu’un boucher, ou qu’un journaliste –, ils disaient : “On n’y échappera pas.” » Les idiots.
« Petit best of. » Qui prouve que la compétence des cordonniers, des bouchers et des journalistes comme Jean-Michel Aphatie. Écoutez Karine Lacombe : « Le confinement apparaît vraiment irrémédiable. » Ha ha ! Quelle andouille ! Djillali Annane : « Il faut se débarrasser du virus et ça commence par le confinement. » Ho ho ! Quel charlot ! Catherine Hill (dont je vous conseille l’entretien sur France Culture) : « Si on veut contrôler cette épidémie, il faut confiner massivement. » Hi hi ! Quelle cruche ! Axel Kahn : « La seule possibilité de faire baisser le taux de contamination, ce serait le confinement. » Hé hé ! Quel corniaud !
« Hé oui, confiner, confiner !, moque Jean-Michel Aphatie. Et puis non ! » Le vendredi 29 janvier, Jean Castex annonce le non-reconfinement décidé par son patron « seul contre tous, faut bien le reconnaître ». Et s’en féliciter. « Emmanuel Macron a dit : “Non, on reconfine pas. On tente le pari.” Et trois semaines après, le pari pour l’instant est gagné. » Parole d’éditoriadémiologiste. (...)
« Il y a plusieurs leçons à en tirer, estime Jean-Michel Aphatie. Ceux qui disent “dictature !”, “il décide tout seul, il écoute personne…” Eh ben heureusement qu’il a écouté personne ! » Le despotisme a du bon. « Parce qu’on a évité trois semaines de reconfinement. » Et gagné des centaines de morts, des milliers de malades, des services de réanimation saturés – sans parler d’une vie infiniment joyeuse. « Ce soir, rendons hommage au chef de l’État qui, seul contre tous, a pris la bonne décision. » Chargé de la chronique éco, Marc Touati proteste : « Vous dites “seul contre tous”, mais moi j’ai pas arrêté de dire qu’il fallait pas faire de troisième confinement. » Les ultralibéraux aussi font d’excellents experts en santé publique. Chargée de la chronique internationale, Abnousse Shalmani précise : « La politique a gagné face aux médecins, et je trouve ça très important. » Marre de la dictature sanitaire des « enfermistes », comme on commence alors à appeler les Cassandre du corps médical.
À la décharge de Jean-Michel Aphatie, il n’est pas seul à vanter prématurément le génie visionnaire d’Emmanuel Macron. Comme je m’en étais fait l’écho, BFMTV titre très modestement le 9 février : « Macron, maître du Covid ? », et Olivier Truchot pavoise : « Pour le moment, le choix d’Emmanuel Macron tient toujours. La situation sanitaire certes reste tendue mais il n’y a pas d’explosion des cas. » On va pas se formaliser pour 350 morts par jour et quelques délires d’enfermistes. (...)
Un mois plus tard, mercredi 17 mars, on est à 30 000 contaminations par jour, le virus n’ayant pas été sensible à la hardiesse de notre président. Olivier Truchot s’inquiète : « Le pari d’Emmanuel Macron, c’est un pari perdu ? » Alain Duhamel nuance : « En tout cas, c’est une déception. » Comme dit son maître : « Ce n’est pas un échec mais ça n’a pas marché. » (...)
Tugdual Denis, de Valeurs actuelles, relève qu’en matière de vaccination « Trump, Johnson et Netanyahou sont ceux qui réussissent le mieux ». Preuve que l’extrême droite est la meilleure pour gérer l’épidémie (curieusement, l’invité a oublié de citer Bolsonaro). Passé 19 heures, le bandeau déplore : « Macron pris au piège du virus. » Je ne comprends pas. Comment le virus a-t-il pu piéger le « maître du Covid » ? Alain Marschall cite le mot du président selon lequel « le maître du temps, c’est le virus ». Ah bon ? Mais alors, d’où a surgi cette absurde rhétorique du « temps gagné » sur l’épidémie, récitée avec zèle par Bruno Jeudy ? « Le “temps gagné” n’est pas celui de la vie », c’est « le choix du temps interminable qui mine la vie dans toutes ses dimensions et qui compte les morts », résume David Simard dans ce terrible texte.
Sur le plateau, les invités ont changé. Et qui donc a remplacé Tugdual Denis, de Valeurs actuelles ? Geoffroy Lejeune, de Valeurs actuelles. Pour lutter contre le virus Zemmour véhiculé par CNews, qui affecte ses audiences à cette heure, BFMTV a trouvé un vaccin (d’extrême droite) administré en deux doses.