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Le logement, envolée des prix… des inégalités
/ Les Économistes Atterrés Participation au débat citoyen. D’autres politiques économiques sont possibles !
Article mis en ligne le 1er mars 2022

Dans un contexte où la dégradation du pouvoir d’achat s’accélère, la hausse des prix du logement joue un rôle fondamental. Besoin impérieux s’il en est, se loger devient le révélateur du creusement des inégalités et de la polarisation du patrimoine.sibles !

La question du logement n’occupe pas la place qu’elle devrait dans les débats publics et politiques. Et l’on peut regretter que cette question reste – encore à cette heure – marginale en cette période de campagne présidentielle alors qu’elle est bien présente dans plusieurs programmes de candidats de gauche. Ce besoin fondamental (Les Économistes atterrés, 2021[1]) est à la conjonction de notre vie privée, de notre rattachement à une communauté et de l’action politique et publique. En effet, si le logement faisait autrefois l’objet de politiques de grande ampleur, les politiques libérales actuelles s’accommodent mal de ce sujet qui nécessite des investissements importants et, ces dernières années, le logement a été délaissé par les pouvoirs publics.

Or la crise du logement est bien là. La crise sanitaire et ses ondes de chocs se sont traduites depuis plusieurs mois par une forte hausse sur les prix à la consommation : la hausse des prix de l’alimentaire et de l’énergie frappe de plein fouet les ménages et contribue à tendre encore un peu plus le climat social. Moins médiatisé, l’emballement des prix de l’immobilier et des loyers est réel et concourt largement à la dégradation de la situation financière des ménages (...)

Les tensions relatives au logement touchent les propriétaires comme les locataires et le parc immobilier privé comme le logement social.

En 2021, la hausse des prix de l’immobilier a été spectaculaire. (...)

Bien sûr, la crise sanitaire et le ralentissement du marché en 2020 expliquent partiellement ces augmentations. Néanmoins, elles s’inscrivent dans une tendance antérieure à la crise et ne font que la confirmer. En réalité, le prix de l’immobilier connaît une hausse continue depuis plusieurs années. (...)

Il en est de même pour les loyers. (...)

Pour ceux qui veulent – ou peuvent – accéder à la propriété, l’effort financier pour l’achat de biens immobiliers devient de plus en plus conséquent, ce qui contraint de plus en plus les autres dépenses des ménages. (...)

le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) a imposé une nouvelle réglementation depuis le 1er janvier 2022 : la durée maximale des crédits est plafonnée à 25 ans et le taux d’endettement strict de l’emprunteur ne peut plus dépasser 35 % des revenus. Les ménages les plus fragiles deviennent de moins en moins propriétaires de leur logement – selon l’Insee, le fléchissement se fait sentir dès 2008 et le nombre de nouvelles résidences principales stagne (...)

De fait, s’il est plus difficile d’accéder à la propriété, les efforts financiers concernent également les locataires et cela se mesure à l’aune des évolutions et adaptations observées relatives au « confort de vie » des ménages. En 50 ans, les conditions sanitaires se sont améliorées notamment grâce à l’élévation du niveau de vie et la mise en place de normes définissant les caractéristiques d’un logement décent : soit la surface minimale, l’absence de risque pour la sécurité et la santé du locataire, l’absence d’animaux nuisibles, une performance énergétique minimale et la mise à disposition de certains équipements[9].

Cela dit, on assiste ces dernières années à une dégradation des conditions de vie et du confort– hors questions sanitaires – que les confinements et le télétravail ont mis en lumière (...)

De même, la colocation a évolué ; elle concerne maintenant d’abord les salariés à hauteur de 45 % et à 40 % seulement les étudiants. La précarité énergétique ne cesse d’augmenter (...)

20 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid dans leur logement en 2020 et 36 % pour des raisons financières. L’augmentation des prix de l’énergie cette année va certainement contribuer à accentuer cette tendance…

Enfin, cette précarisation se lit aussi dans l’arbitrage fait par de nombreux ménages de s’éloigner de leur lieu de travail afin d’avoir accès à des logements moins coûteux – devant alors assumer le coût et les contraintes des transports – ou dans les chiffres relatifs à la mauvaise qualité des logements, au type de logement occupé (appartement, chambre), le statut d’occupation, etc. Clairement, si tout cela ne se traduit pas directement par un effort financier, on voit bien que ces évolutions qualitatives consenties visent à amortir le poids financier du logement.

Malheureusement, cette dégradation générale est à distinguer du mal logement… qui progresse lui aussi. (...)

Selon la Fondation Abbé Pierre[11], la situation s’est dégradée et a été accentuée par la crise sanitaire : 3,5 millions de personnes étaient concernées en 2015, elles sont aujourd’hui 4,1 millions ; le nombre de sans domicile a doublé depuis 2012 ; 2,2 millions de ménages sont en demande de logements sociaux – un chiffre progressant 5 fois plus vite que le nombre de ménages. La situation est devenue tellement tendue qu’il est non seulement très difficile d’obtenir un logement social (les délais se rallongeant) mais que les plus fragiles n’ont plus accès aux logements sociaux. (...)

Quelles explications sont alors avancées pour comprendre cette hausse continue des prix ? L’évolution de la demande est souvent mise en cause. Le vieillissement de la population ralentit les transferts de propriété ; l’explosion du nombre de familles monoparentales gonfle la demande et la réoriente vers des logements plus petits ; les taux d’intérêt de l’immobilier sont particulièrement bas. Et depuis le début de la crise sanitaire, la demande pour les résidences secondaires, les maisons et les habitations dans des environnements plus apaisés (villes moyennes, campagne…) a clairement explosé. Toutefois, d’autres facteurs sont également à prendre en compte.

D’une part, la demande de logement pour des objectifs purement financiers structure le marché de l’immobilier. (...)

Ce mouvement est d’autant plus amplifié que la hausse des prix encourage l’achat de biens immobiliers pouvant générer une plus-value intéressante, générant alors une hausse des prix, etc. On est alors dans un phénomène classique de bulle financière, dont l’objet ici est le logement. Dans les lieux touristiques, cette concentration est encore accentuée par le développement des plateformes de location courte, type AirBnB, qui entrent en concurrence avec les résidents et avec l’activité hôtelière. (...)

D’autre part, l’offre de logements marque le pas : en moyenne, le parc immobilier n’augmente pas de plus de 1 % ces dernières années, ce qui reste nettement insuffisant. (...)

Du côté du logement social, le tableau est plus qu’en demi-teinte. Certaines communes sont déjà allées au-delà du quota demandé en 2025 par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), mais pour la plupart d’entre elles, il est désormais acquis que les objectifs ne seront pas atteints. (...)

Pourtant, plusieurs axes d’action sont possibles (...)

En priorité bien sûr, le logement social a besoin de mesures de grande envergure. Dans un premier temps, il paraît indispensable que les villes respectent la loi SRU et que les sanctions soient enfin efficaces. Dans un second temps, la construction de logements sociaux – 150 000 par an étant une fourchette basse pour les associations – est nécessaire aussi bien pour offrir des logements à des prix abordables que pour atténuer les tensions sur le parc locatif. Il s’agit alors de réorienter la logique d’aide à la personne vers une logique plus globale de construction et réhabilitation (...)

Dans le même ordre d’idées, l’État pourrait mettre également en place un plan à l’intention du parc immobilier privé. Si c’est une nécessité en matière d’habitat – la fondation Abbé Pierre estime qu’il faudrait construire 500 000 logements par an –, c’est une nécessité économique, énergétique et écologique. (...)

En outre, plusieurs dispositifs pourraient être mis en place pour éviter la concentration foncière et les distorsions de prix dues à la financiarisation et à « l’uberisation » (le développement des locations courtes grâce aux plateformes de partage) de l’habitat. L’intervention des pouvoirs publics sur le marché par l’intermédiaire de foncières publiques permettrait de réguler les prix et de protéger certains territoires dans le cas où ces foncières seraient rattachées à une zone géographique. Repenser la fiscalité foncière et sa dégressivité – quand l’achat immobilier à une vocation locative – constituerait un levier de redistribution de ceux qui ont le plus de patrimoine vers les plus défavorisés.

Enfin, de nombreuses dispositions seraient possibles pour encadrer les loyers et soutenir les ménages. (...)

La difficulté de se loger ou de faire face à cette contrainte financière ne cesse de croître. Mais elle nous amène à nous interroger sur le fonctionnement du marché immobilier et du parc locatif, sur la place de l’habitat dans nos sociétés en général. Or nous y retrouvons des excès bien connus du système économique : concentration de la propriété, distorsion des prix, creusement des inégalités, etc. Nous le voyons, la libéralisation et l’absence de régulation n’apportent pas de solution, bien au contraire. Agir pour un habitat apaisé et durable passerait par la concertation et une réelle vision de moyen