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Le hub mondial du trafic de l’or – La Suisse, l’or et le pillage du monde
Article mis en ligne le 3 décembre 2015
dernière modification le 30 novembre 2015

« L’or qui résidait initialement au ciel avec son confrère l’argent, comme le soleil et la lune, s’étant d’abord débarrassé de ses attributs sacrés pour venir sur terre comme un autocrate, pourrait maintenant se satisfaire du sobre statut de roi constitutionnel avec un cabinet de banques ; et il pourrait n’être jamais nécessaire de proclamer une république. Mais ce n’est pas encore le cas – et l’évolution pourrait être totalement opposée. Les amis de l’or vont devoir se montrer extrêmement sages et modérés s’ils veulent éviter une révolution »
(John M. Keynes, « Auri Sacra Fames », 1931).

Depuis dix ans, la Suisse n’a cessé de renforcer son emprise monopolistique sur le commerce mondial de l’or physique (les opérations de trading étant basées à Londres). Dans cette décennie, ses importations et ses exportations de métal jaune ont ainsi plus que triplé en volume, dépassant chacune les 3500 tonnes, tandis qu’elles ont été multipliées par 6 à 8 en valeur. Pour donner une idée de l’importance de ces transactions, il suffit de noter que de tels volumes sont supérieurs à la production annuelle mondiale d’or, estimée à 3000 tonnes, l’offre totale atteignant environ 4500 tonnes, compte tenu du métal recyclé.

Au cœur d’un trafic international

La Suisse achète-t-elle simplement l’essentiel de l’or mondial (70% en moyenne, ces dernières années) pour le revendre, servant ainsi de grossiste universel ? Non, son rôle est infiniment plus complexe. Tout d’abord, le métal précieux y est traité dans plusieurs raffineries (2/3 des capacités mondiales), qui le transforment en or pur à 99,99%. Le site internet de la principale d’entre elles, Valcambi au Tessin (filiale du Crédit Suisse jusqu’en 2003, rachetée récemment par une firme indienne), présente ainsi les atouts de cette industrie : transport assuré du métal précieux à l’échelle internationale ; analyse et certification de la qualité du produit livré ; raffinage et conditionnement certifiés (lingots, barres, pièces, etc.) ; étude des options de financement de chaque client ; stockage du métal dans des conditions de sécurité optimales.

En 2014, ces transactions figuraient pour la première fois dans les statistiques suisse du commerce extérieur, alors que précédemment elles avaient été assimilées à des transferts de paiements, et ainsi largement camouflées. De ce fait, l’or est soudain devenu le premier produit d’exportation du pays, devant les produits pharmaceutiques ou l’horlogerie, et représente aujourd’hui 1/5e de son commerce extérieur.

De surcroît, en mars 2015, sous la pression de ses partenaires étrangers, rompant avec 34 ans de secret, la Suisse a enfin révélé la distribution par pays de son commerce de l’or. Bien que ces données ne portent que sur le dernier pays de transit et le premier pays de destination, elles montrent le rôle clé du Royaume-Uni comme fournisseur, mais aussi celui de l’Inde, de la Chine (Hong Kong), des Emirats Arabes Unis ou de la Turquie en tant que clients.

Comme je le montrerai plus loin, cette répartition est assez éloquente. (...)

l’extraction du métal jaune, en Afrique subsaharienne (25-30%), en Amérique latine (15-20%), en Chine (15%) ou dans les pays de l’ex-URSS (15%) résulte le plus souvent de la surexploitation de travailleurs particulièrement exposés, souvent drogués aux amphétamines pour accomplir un travail dangereux et épuisant. Des centaines de milliers d’enfants y sont employés dans les pays du Sud et, de façon générale, les accidents professionnels y sont fréquents. Il n’y a en effet guère d’autre activité au monde où le producteur direct soit spolié à ce point du produit de son travail ! De surcroît, les conséquences environnementales et sur la santé publique de cette activité sont considérables (usage massif de mercure et de cyanure).

Blanchir les profits de l’esclavage et du crime

Il faut donc se poser la question de la provenance de l’or raffiné en Suisse. (...)