
Le gouvernement a présenté en conseil des ministres, mercredi 1er décembre, un projet de loi sur l’assurance agricole. Il sera plus juste et universel, assure-t-il. Les défenseurs de l’agriculture paysanne craignent au contraire que la moitié des fermes en soient exclues.
Davantage de grêle, de gel, de sécheresse, de tempêtes et d’inondations. Le changement climatique rend la vie de plus en plus dure aux agriculteurs. Pourtant, une minorité est assurée pour leur récolte. Une « vulnérabilité face au changement climatique », estime-t-on à Bercy, qui menace « notre souveraineté alimentaire ». « Il faut refonder le régime de l’assurance récolte », insiste-t-on du côté du ministère de l’Agriculture. C’est pourquoi le gouvernement présentait en conseil des ministres ce mercredi 1er décembre le projet de loi « portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture ».
Le texte met en place « trois étages de partage du risque », explique le cabinet de Julien Denormandie :
pour les pertes les moins importantes, c’est l’agriculteur qui encaisse (par exemple 20 % de la récolte, sachant que les pourcentages seront définis plus tard par décret),
pour les pertes moyennes, ce sont les assurances récolte qui prennent le relais. Le gouvernement appelle cela « l’étage assurantiel »,
l’État, lui, n’indemnisera plus que les pertes majeures (par exemple 70 % de la récolte). C’est le troisième étage, celui de la « solidarité nationale ».
Un « grave problème d’accessibilité »
L’intention est claire : « L’objectif est une généralisation de l’assurance récolte », insiste le cabinet du ministre Julien Denormandie. La FNSEA, le syndicat majoritaire de la profession, approuve. Le but est d’en finir avec le système actuel des « calamités agricoles », unanimement décrié. Il indemnise les agriculteurs en cas de catastrophe majeure. Mais l’aide peut mettre jusqu’à un an à être versée. Et beaucoup de productions se retrouvent exclues par les règles actuelles.
La réforme censée les remplacer ne fait pas pour autant l’unanimité. La Confédération paysanne, syndicat d’opposition dans la profession, s’inquiète d’un « grave problème d’accessibilité ». Tous les agriculteurs n’ont pas de quoi se payer une assurance. (...)
À l’inverse, certaines productions peu rentables n’intéressent pas les assureurs : « maraîchage diversifié, apiculture, plantes aromatiques et médicinales », liste la Confédération paysanne. Ou l’élevage. (...)
« Il y a un marché à construire sur certaines productions, reconnaît-on au gouvernement. C’est le but de la réforme. Notre système sera universel alors qu’aujourd’hui des pans entiers de l’agriculture sont laissés de côté. »
« Le modèle assurantiel fonctionne bien ailleurs, aux États-Unis et en Espagne, défendait déjà sur Reporterre, en 2019, le directeur adjoint de la Fédération française des assurances Christophe Delcamp. En France, plus le nombre d’agriculteurs assurés sera important, mieux on pourra mutualiser les risques. On en est au tout début, il faut laisser sa chance aux produits. »
Une cotisation, même pour les non assurés
« Les sociétés d’assurance pourront décréter qu’une production sur un territoire donné n’est pas assurable, car trop exposée aux risques », craint à l’inverse la Confédération paysanne. Selon ses calculs, la moitié des fermes pourraient se retrouver sans assurance. (...)
Pourtant, pour financer ce nouveau système, tous les agriculteurs contribueront, via une augmentation de l’une des taxes qu’ils payent déjà. (...)
Le projet de loi préfère parler d’un partage du risque « équitable entre l’État, les agriculteurs et les entreprises d’assurances ». Les cotisations d’assurance pourront être subventionnées jusqu’à 70 % grâce aux fonds récoltés auprès des agriculteurs, à des sommes trouvées du côté des primes européennes de la politique agricole commune (PAC) et une augmentation du budget alloué par l’État. Emmanuel Macron a annoncé son doublement, de 300 à 600 millions d’euros par an. (...)
Cette façon de calculer les indemnités peut également avoir des effets sur la façon dont les agriculteurs mènent leur exploitation, estime la Confédération paysanne. En effet, plus la récolte aura été conséquente, plus les primes d’assurances le seront également. (...)
Les agriculteurs sont ainsi incités à produire plus, avec plus de pesticides et d’engrais. Au détriment de mesures qui leur permettraient de faire face au changement climatique. (...)
Plutôt que des assurances privées, la Confédération paysanne propose un fonds solidaire. Il serait abondé et géré par les agriculteurs et acteurs de la filière agricole, avec une aide de l’État. Sans assureurs privés cherchant la rentabilité. (...)