« La droite et l’extrême-droite se déchaînent contre Audrey Pulvar car la lutte contre les discriminations n’est pas leur combat quand cela doit être celui, inlassable, de toute la Gauche ». C’est par ces mots et via Twitter, que le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, a témoigné son soutien à Audrey Pulvar. Le propos est d’autant plus remarquable qu’ils n’étaient pas nombreux, hier, chez les socialistes à soutenir leur candidate pour les élections régionales en Île-de-France. On pourrait applaudir des deux mains le geste sauf que le message semble omettre un détail : le déchaînement de haine sévit aussi du côté de la gauche – celle qui revendique une République une et indivisible, celle qui se range du côté de l’universalisme contre le multiculturalisme.
Pour avoir tenu les mêmes propos sur les réunions non-mixtes, la présidente de l’Unef, Mélanie Luce, s’était attirée les foudres d’une grande partie des cadres du Parti socialiste – un parti pourtant longtemps resté proche du syndicat étudiant. De Jean-Christophe Cambadélis à Anne Hidalgo en passant par Rachid Temal. Ce dernier, sénateur socialiste et directeur de campagne d’Audrey Pulvar, est même allé jusqu’à dire que la patronne de l’Unef était à « vomir ». Pour un représentant du « peuple », on ne saurait faire plus élégant. Comment juge-t-il les propos de sa candidate ? Lui, si prompt à réagir sur les réseaux sociaux, c’est silence radio depuis quelques heures. Pas même un mot de soutien. La maire de Paris quant à elle avait jugé quelques heures plus tard que les réunions non-mixtes étaient « dangereuses ». Enfin, pour l’ancien patron du PS, désormais chroniqueur sur CNews, le commentaire n’avait rien à envier à ceux d’Éric Zemmour et autre Pascal Praud qui œuvrent sur la même chaîne : « On se croirait dans la Chine maoïste des gardes rouges », a lancé Cambadélis. Tout en nuance…
Pas étonnant dès lors, qu’à gauche, chez les socialistes principalement, le silence soit d’or après qu’Audrey Pulvar a déclaré sur BFM qu’elle n’était « pas favorable aux réunions interdites », tout en comprenant « la nécessité, pour les victimes d’une même discrimination, de se retrouver dans des réunions qui leurs soient réservées ». Le b.a.-ba quand on s’estime de gauche et porter ses combats. Un peu comme le rappelle la présidente d’Amnesty France, Cécile Coudriou : « Il faut vraiment n’avoir jamais vécu l’expérience du racisme ou des LGBT-phobies, ou encore de violences de genre pour prétendre s’offusquer d’un groupe de parole réservé aux personnes concernées, au nom d’un universalisme mal compris ».
Dans la même semaine, la journaliste Laure Adler s’était vue encensée par cette gauche-ci lorsqu’elle déclarait sur France 5 que les réunions non-mixtes « étaient une étape assez révolutionnaire pour se comprendre soi-même ». (...)
Ce qui dérange une partie de la gauche, ça n’est pas tant que les féministes s’organisent et se structurent parfois entre femmes, dans le cadre de réunion non-mixtes, ce qui dérange c’est que des personnes racisées décident de le faire. (...)
Comme le dit très justement Rokhaya Diallo : « La France se vit encore comme un pays blanc et chrétien alors que c’est un pays laïc et multiculturel ». Le nier participe à se bercer d’illusion. (...)
En réalité, pour paraphraser le professeur de science politique, l’universalisme d’Anne Hidalgo et de ses petits camarades socialistes, n’est rien d’autre qu’un communautarisme majoritaire.
À gauche depuis quelques semaines, les tensions sont particulièrement vives. (...)
Le PCF et le PS accusent l’Unef de « dérives identitaires ». Le PS invective les insoumis qui ripostent. Les socialistes taclent les écologistes sur leur rapport à la République. Le PCF cogne gentiment mais surement sur les insoumis. Et inversement. On a le sentiment de voir sous nos yeux une « gauche de cour d’école », écrit Lilian Alemagna dans son édito pour Libération. Et pourtant, si les gauches s’engouffrent dans ces polémiques et attisent les braises, c’est qu’elles y ont nécessairement un intérêt. Reste à savoir lequel. Ou plutôt qui y a intérêt ? Visiblement, celui qui fait ses choux gras de ces polémiques – au-delà de l’extrême droite qui se frotte les mains –, c’est Manuel Valls. C’est sur fond de polémiques et de procès en islamo-gauchisme que l’ancien Premier ministre s’est amusé ce week-end à rappeler sa théorie des « gauches irréconciliables ». Il y a du Manuel Valls dans cette gauche qui « vomit » les réunions non-mixtes et ceux qui les organisent. Il y a du Manuel Valls dans cette gauche qui nie la société multiculturelle. Il y a du Manuel Valls dans cette gauche qui juge « dangereuse » l’organisation de groupes de discussions par et pour les personnes victimes de racisme. Bref, il y a du Manuel Valls dans Anne Hidalgo. Et ça commence à se voir.