
Lancé en septembre 2018, l’Appel des coquelicots pour l’interdiction de tous les pesticides de synthèse se déploie sous la forme d’une pétition et d’une mobilisation chaque premier vendredi du mois. Les auteurs de cette tribune expliquent le choix de cette fleur sauvage comme emblème du combat pour « inverser le courant maudit qui nous conduit au précipice ».
On vous a fait le coup cent fois, et rien ne dit que ce soit la bonne. Mais nous le croyons, nous qui avons lancé le mouvement des coquelicots le 12 septembre 2018. Nous croyons tout simplement que nous allons gagner. Qu’en octobre 2020 — nous comptons bien tenir jusque là —, cinq millions d’entre nous auront rejoint notre Appel ! Cinq millions ! Que dit notre Appel ? Quelque chose de simple, mais en même temps de décisif : nous voulons des coquelicots, et parce que nous voulons des coquelicots, très fort, nous exigeons l’interdiction de tous les pesticides de synthèse.
Qu’est-ce donc qu’un coquelicot ? Le mot a fait des cabrioles dans la langue française passant de coquelicoq à coquelicoz (au pluriel), s’autorisant la variante coquerico. En réalité, c’est simple : notre fleur magnifique tire son nom d’une ressemblance avec la crête d’un coq, au moins par sa couleur. Citation du grand agronome Oliver de Serres, mort en 1619 : « Quoquelicoq est espece de pavot ; il croist en terre grasse et bien labourée, estant en fleur un peu devant la maturité des bleds [blés], parmi lesquels se mesle il. » Nous ne sommes pas les premiers amoureux.
Notre avis : le coquelicot est increvable
Mais bien sûr, outre qu’il est somptueux, le coquelicot est un combattant de la biodiversité. Demandez leur avis aux abeilles, décimées par les pesticides ! Elles ne fondent pas sur les coquelicots pour le nectar, qu’ils ne produisent pas, mais pour leur pollen. Bien que les études demeurent rares, le coquelicot joue un grand rôle pour le maintien de nombreux ruchers, pendant la disette printanière qui succède au fleurissement du colza. Au reste, c’est un prêté pour un rendu, car le coquelicot ne peut pas s’autoféconder, et dépend en bonne part des circonvolutions des abeilles pour se reproduire. Elles ne le voient pas en rouge, comme nous, mais en bleu, dans un rayonnement ultraviolet. Comme on les envie, hein ?
Au fait, combien de graines ? Une fleur peut produire 20.000 graines à elle seule, qui ne pèseraient dans l’affreuse balance du marchand, que deux grammes. Soit 0,0001 gramme l’unité. Une plume, moins qu’une plume.
Puis, patiemment planquées sous trois grains de terre, elles attendent le moment favorable. Combien de temps gardent-elles leur pouvoir de germination ? Chez les semeurs de tous horizons, la discussion n’en finira jamais : certains comptent en années, d’autres en décennies. Et les plus audacieux, en siècles. Notre avis : le coquelicot est increvable. Et même celui qui se moquerait de sa beauté de reine devra bien reconnaître qu’il est divin sur le pain ou les salades, souverain pour qui veut faire une vraie sieste réparatrice. Disons-le : c’est un grand ami. (...)
Le coquelicot est cette fleur anarchiste qui reparaît sans cesse là où les méchants de l’histoire, comme ces damnés pesticides, croyaient l’avoir éradiqué. Pour nous, et pour vous tous, nous l’espérons, vouloir des coquelicots, en ce début d’année, est l’espoir puissant que nous pouvons inverser le courant maudit qui nous conduit au précipice. Ensemble, tant de choses seraient possibles, qui paraissent aujourd’hui démesurées. Nous allons vaincre la rapacité, le profit, la laideur, l’incommensurable sottise de ceux qui ne font pas de vraie différence entre une fleur sauvage et son artefact en plastique imputrescible. Nous allons vaincre, parce que nous n’avons plus le choix. Nous allons vaincre, amis lecteurs de Reporterre, si vous vous décidez à sortir du rituel et du virtuel des pétitions sur internet.
Si nous vous invitons à signer massivement notre Appel, c’est que, justement, il ne s’agit pas d’une pétition. Mais d’un véritable Appel à l’action. Vous en saurez plus vendredi 4 janvier à 18 h 30, devant les centaines de mairies de France où tous les Coquelicots se réuniront pour le quatrième mois consécutif. N’écoutez pas les rieurs : relevant enfin la tête, nous allons faire l’Histoire.