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Le consentement : le règne des puissants prend fin
F. Bernhardt Psychologue clinicienne
Article mis en ligne le 13 janvier 2020
dernière modification le 11 janvier 2020

Le socle de l’écoute qu’un psychologue peut offrir à son patient tient en peu de mots : « On ne conteste pas un ressenti. » A l’ami qui vous dit « j’ai froid », on ne répond pas : « Non, il ne fait pas froid, tu n’as pas froid. » Au patient qui vous dit : « Je sortais à peine de l’enfance quand j’ai été séduit par un homme adulte avec lequel j’ai eu des relations sexuelles consenties, et cette relation m’a traumatisé de mille façons » on ne répond pas « Vous n’avez pas été traumatisé puisque vous aviez consenti... ». Vanessa Springora évoque ce cheminement que les soignants des blessures de l’âme connaissent trop bien du « consentement » de l’enfant vers l’effroi de l’adulte.

Les pédophiles se comportent rarement comme des violeurs, c’est dans un mouvement de « séduction » dans son acception la plus étymologique, conduire à soi, que se tissent les rets de la prise de pouvoir de l’adulte sur sa proie. Car sauf à le tuer, il va falloir en faire un complice, le faire taire, le persuader de l’unicité du lien bien souvent incestueux, le faire entrer dans un mensonge stratégique où, seuls contre le monde entier, l’enfant et l’adulte vivent une histoire d’amour.

Vanessa Springora décrit précisément ce mécanisme d’emprise, l’isolement dans lequel se retrouve cette jeune fille de 13 ans, qui peu à peu perd tout ancrage dans sa vie de collégienne, où à l’heure du goûter elle se retrouve avec la verge d’un homme de 50 ans dans la bouche.

Elle cesse de fréquenter les jeunes de son âge avec lesquels elle ne partage plus rien, s’éloigne de sa mère qui ne mesure pas qu’elle est en train de se détruire dans cette relation, elle devient la chose de cet homme en se croyant sujet, en se croyant unique dans l’illusion d’être devenue princesse après s’être vue crapaud.

L’homme qui la séduit lui interdit de lire ses livres qui briseraient l’illusion qui la berce. S’y révélerait l’amère vérité, les corps d’enfants sont interchangeables, ils se monnayent dans des contrées lointaines, elle n’est ni singulière ni irremplaçable. Elle est un objet dans les mains d’un homme pour qui une femme de 20 ans est une fleur fanée.

En bravant l’interdit des contes de fées, Barbe bleue interdisait aussi d’ouvrir la porte de la chambre rouge, Vanessa découvre qu’elle n’est rien d’autre qu’un corps. (...)

L’enfant, l’adolescent vierge ne sait pas à quoi il consent, son consentement est biaisé par son ignorance de la sexualité. Et lorsqu’ayant consenti, il se remet maintes fois entre les mains de son agresseur, il ignore les symptômes multiples qui contrarieront sa vie d’adulte... il ne sait toujours pas à quoi il a consenti.

Ce que nous dit Vanessa Springora, c’est que ce consentement était un marché de dupe entre un adulte à la cécité éternelle et une jeune fille qui se brûlera les yeux lorsque lui apparaitra la vérité.