
À 36 ans, l’afrocolombienne Francia Marquez a reçu le prix Goldman pour l’environnement. Une reconnaissance internationale pour son combat contre les mines d’or illégales qui détruisent l’environnement et la vie des habitants du nord de la région colombienne du Cauca.
Francia Marquez peut entrer dans une colère noire si vous la qualifiez « d’héroïne » . « Líder » passe un peu mieux, et encore, la moue et l’agacement ne s’effacent pas. Toute la lumière jetée sur elle l’a mise mal à l’aise. Celle qui a fait campagne pendant des mois pour les élections législatives de mars dernier dans les rues de Cali, troisième ville de Colombie, le répète : son combat est collectif. « Je n’ai jamais été seule dans mes luttes, pour élever la voix ou dénoncer. Je travaille toujours avec différentes associations des droits de l’homme », souligne-t-elle. Francia Marquez est une femme d’action et de terrain. Avant d’être une défenseuse de l’environnement reconnu par le prix Goldman, en avril, elle est une des figures nationales des luttes afrocolombiennes. Elle participe à toutes les manifestations ou réunions avec le gouvernement pour dénoncer et défendre les droits de son peuple et de ses territoires. Elle a notamment participé aux négociations de paix à La Havane entre le gouvernement et les Farc en 2016.
Cette petite femme discrète de 36 ans se décrit comme une simple étudiante en droit de l’université de Cali. (...)
En 2002, elle a vu arriver les paramilitaires puis les multinationales dans ses montagnes, tous attirés par l’exploitation minière à grande échelle.(...)
en 2009, ça a été la décision de trop : le gouvernement a demandé à notre communauté de partir ! J’ai alors décidé de m’engager auprès de notre conseil communautaire, notre instance de décision collective », explique-t-elle. Cet engagement était plus fort qu’elle. « La lutte est dans mes gènes, la lutte de mes ancêtres, des esclaves. J’ai senti que je devais le faire pour honorer leur mémoire. Ils se sont battus pour cette terre, pour notre liberté. Nous avons la responsabilité de sauvegarder cet héritage, pour ma famille et pour les générations futures, afin qu’elles puissent vivre en paix et dans de meilleures conditions que nous. »(...)
« Les mines illégales polluent nos cours d’eau à cause du mercure et du cyanure utilisé pour extraire l’or et rejeté dans les fleuves. Cette eau que nous utilisons pour cultiver la terre, boire, pêcher… Notre santé est en danger ! Nous ne pouvions pas rester indifférents alors que notre terre et nos familles sont menacées. Avec d’autres femmes de la région du nord du Cauca, nous nous sommes rassemblées et organisées », raconte-t-elle. La jeune femme a alors pris la tête du Mouvement des femmes noires pour le respect de la vie et des territoires ancestraux afrocolombiens du nord du Cauca.
Fuir à cause des menaces de mort sur elle et ses deux fils
Le 17 novembre 2014, Francia Marquez est ainsi partie avec 80 femmes de La Toma pour marcher jusqu’à Bogota. Avec leurs turbans dans les cheveux, pour rappeler leurs origines africaines, elles ont appelé l’opinion publique à ouvrir les yeux sur les mines illégales et à dénoncer l’indifférence gouvernementale. (...)
Francia Marquez paye aujourd’hui son combat. En 2013, elle a dû fuir à cause des menaces de mort qui pesaient sur elle et ses deux fils. « Je vis dans la crainte permanente. Je regarde toujours derrière moi. J’ai dû me réfugier à Cali, une ville que je n’aime pas, loin de ma famille et de mes montagnes. » Dans son discours lors de la remise du prix Goldman, Francia Marquez a d’ailleurs rendu hommage à Berta Caceres, militante écologiste hondurienne assassinée le 2 mars 2016 et prix Goldman en 2015. Malgré les accords de paix signés entre le gouvernement et les Farc en novembre 2016, les luttes pour la protection de l’environnement, de la paysannerie, des territoires afro et autochtones font face à une vague de violence sans précédent. Les chiffres des autorités colombiennes font état de plus de 282 assassinats de leaders sociaux depuis 2016, un record.