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Le choix des mots, l’importance de prendre, enfin, nos responsabilités
/mama.samoura
Article mis en ligne le 16 novembre 2021
dernière modification le 15 novembre 2021

Ce matin, j’écris cette publication pour signifier mon agacement quant au choix de certains mots ou expressions qui ont une incidence dans la manière de penser, non pas de quelques-uns, mais du collectif, c’est-à-dire l’ensemble de la population. Alors que je discutais avec une connaissance de tout et de rien, est venu tout à coup le sujet de la magie. Prenant pour référence Harry Potter, Charmed, les contes fées des Grimms ou de Perrault et bien sûr …. notre éducation, celle-ci évoque la magie noire pratiquée par les grands méchants de nos références culturelles. La magie noire, en elle-même, peut-être considérée comme une sorte de personnage méchant, démoniaque, satanique. En voici la définition :

La magie noire : ensemble de pratiques secrètes qui ont pour but de se concilier les mauvais esprits, les forces surnaturelles, pour qu’ils exercent leurs pouvoirs à l’encontre de quelqu’un à qui l’on cherche à nuire. (...)

Quelque chose me gênait profondément dans cette expression et cela n’avait pas trait à la magie, en soi. Ce qui me gênait et qui me gêne toujours, est la manière dont on la qualifie… de NOIR. Depuis, j’ai pensé à toutes les expressions contenant le mot « noir » dans le langage français et qui signifie un aspect négatif voire très négatif d’une situation. Les voici :

Au noir : travailler et être payé sans déclarer ses activités. Être dans l’illégalité en somme.

Avec des idées ou pensées noires : avoir des pensées négatives

Bête noire de quelqu’un : personne que nous avons en aversion.

Broyer du noir

Caisse noire : réserve d’argent illégale

Être noir : être malchanceux

Film noir : film policier ou d’épouvante. Référence à la violence, au négatif, au mauvais

Humeur noire

Humour noir

Liste noire

Manger son pain noir

Marché noir

Mouton noir

Noircir le tableau

Regard noir

(source pourpre.com)

Cette liste est non exhaustive. Évidemment, je passe les expressions comme « dénigrer quelqu’un » qui est l’équivalent de noircir quelqu’un, ce qui signifie dépeindre la personne de façon négative.

Dans notre imaginaire collectif, la couleur noire est perçue comme étant négative, cachée, inconnue, mauvaise. Ce préjugé influence la perception première que nous avons des choses en noir et des gens qui sont noirs. Cela a une conséquence sur la réaction, les pensées et les actions des personnes. Le choix des mots, pour qualifier quelque chose peut avoir à long terme une incidence sur la vie des gens et même des animaux, je pense notamment au chat noir.

Penser que nous ne pouvons rien faire face au langage commun, aux expressions communes est, selon moi, faire preuve de paresse. Il a fallu un homme ou une femme pour créer une expression et toute une communauté pour le ou la suivre. (...)

Croyez-moi ce n’est pas si compliqué. Voyez :

Travailler au noir – Travail illégal

Avec des idées ou pensées noires - Avoir des pensées négatives

Bête noire de quelqu’un – Quelqu’un qu’on déteste (l’utilisation du mot bête, fait aussi référence aux animaux comme étant inférieurs aux humains, ce qui de mon point de vue est faux très présomptueux)

Broyer du noir – Broyer du négatif ou Être pessimiste

Caisse noire - Argent illégale

Être noir - Être malchanceux

Film noir - Film policier ou d’épouvante ou violent

Humeur noire - Mélancholie

Humour noir – mauvais humour

Etc.

On dit qu’il faut 21 jours pour changer ses habitudes. Qu’est-ce que 21 jours sur toute une vie ? Pas grand-chose, surtout lorsqu’on a bien vécu. Imaginer à l’échelle de toute l’humanité ! (...)

Il n’est pas tolérable d’observer que des petites filles ou petits garçons noirs intègrent dans leurs subconscients que le noir est mauvais, sale, criminel, violent ou méchant (...)

Il n’est pas tolérable que des enfants noirs, refusent de s’identifier comme noirs dans les livres parce qu’il s’agit d’une couleur qui dévalorise et qui est sujette aux moqueries. Il n’est plus tolérable que les enfants qui deviennent des adultes aient ce sentiment de honte qui devient à la longue de la détestation de soi, pour quelque chose qu’ils n’ont pas choisi et dont on dit que c’est la couleur de la lie de l’humanité. Tout commence avec des mots, ceux qu’on choisit pour dire ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Ce qui est validé, de ce qui ne l’est pas. Ce qui est dans la norme, de ce qui est marginal. Toute construction identitaire et sociale, commence par le regard de l’autre. Et le regard de l’autre est forgé par des mots. (...)

Nous avons tous le pouvoir de faire évoluer les choses, et ce, de manière positive. Cessons d’utiliser la couleur pour apporter une valeur morale à quoi que ce soit. Utilisons les couleurs, pour ce qu’elles sont : juste des couleurs. (...)