
Les sénateurs entendent détricoter la loi visant à mieux protéger les lanceurs d’alerte. Associations et syndicats se sont réunis devant le Palais du Luxembourg, le 19 janvier, afin de dénoncer une « régression » des droits à alerter.
Paris, reportage
L’ambiance était calme, les mines inquiètes. Greenpeace, Anticor, L214, La Maison des lanceurs d’alerte, le Syndicat national des journalistes... Une quarantaine de représentants de la société civile étaient réunis aux aurores devant le Sénat, le 19 janvier, pour dénoncer une « régression » de la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte. Bien emmitouflés dans leurs écharpes, ils se sont succédé au micro pendant une vingtaine de minutes, dans l’espoir de « mobiliser les sénateurs », dont les bureaux commençaient tout juste à s’allumer.
Mediator, maltraitance dans les abattoirs, Luxembourg Leaks... autant de scandales qui n’auraient pas pu être révélés sans l’alerte donnée par des citoyens et citoyennes, au risque souvent d’y perdre leur travail, leur vie sociale ou leur réputation. (...)
Ce 19 janvier, les lanceurs d’alerte Antoine Deltour — à l’origine du scandale d’optimisation fiscale des LuxLeaks — et l’Irlandaise Emma Reilly — qui a révélé que l’Organisation des Nations unies (ONU) transmettait à la Chine le nom de ses opposants — ont également fait le déplacement. Sous le regard des policiers encadrant la manifestation, tous ont critiqué les « attaques » à la liberté d’alerter en passe d’être votées. (...)
Régression et inquiétudes (...)
Comment expliquer un tel recul ? Glen Millot, délégué général de la Maison des lanceurs d’alerte, y voit la patte du lobby agricole. Une récente enquête de Mediapart montre que les représentants des industries agroalimentaires ont envoyé plusieurs courriels aux sénateurs au cours des derniers mois. Ils les ont invités à réduire l’ambition de la proposition de loi émise par l’Assemblée, allant jusqu’à leur proposer des amendements écrits par leurs soins. Ces courriels insistaient notamment sur la nécessité de priver les associations du statut de lanceur d’alerte. Une suggestion reprise, comme évoqué plus haut, par la commission des lois du Sénat.
Le visage recouvert de masques en forme de bâillons, les manifestants ont rappelé que les lanceurs d’alerte avaient permis de nombreuses avancées. L’interdiction du broyage des poussins, qui devrait entrer dans la loi cette année, a par exemple été obtenue grâce à leurs témoignages, a expliqué Brigitte Gothière, de L214. « Notre démocratie a besoin d’eux pour continuer d’avancer sur les urgences éthiques, climatiques, sociales auxquelles nous devons répondre », a-t-elle insisté. « Dans une démocratie, on ne doit pas avoir peur des lanceurs d’alerte, a déclaré Elise Van Beneden, d’Anticor. Au contraire, il faut les protéger. »