
A l’été 2016, nous avions embarqué sur l’« Aquarius », qui patrouille en Méditerranée pour sauver des migrants. Deux ans plus tard, le taux de mortalité en mer a explosé.
C’était il y a deux ans. L’Europe se déchirait déjà autour de la « crise migratoire », la photo du garçon syrien Aylan, échoué sur une plage de Turquie, avait depuis longtemps fait le tour du monde, et la mer Méditerranée arborait les traits d’un vaste cimetière.
A l’été 2016, Le Monde était monté à bord de l’Aquarius, navire humanitaire des ONG SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), parti patrouiller au large de la Libye pour pallier le manque de moyens des secours déployés par les Etats européens.(...)
Le Monde a décidé de remonter à bord de l’Aquarius, avec un photographe, pour suivre une nouvelle campagne de sauvetage.(...)
Depuis le début de l’année, au moins 1 565 personnes ont perdu la vie en tentant de gagner les rives européennes, d’après l’Organisation internationale pour les migrations (IOM). Le taux de mortalité est en forte hausse sur la route de la Méditerranée centrale, qui relie principalement la Libye à l’Italie et Malte. L’an dernier, une personne mourait pour 42 qui parvenaient à traverser, d’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Désormais, un décès est enregistré pour 18 arrivées.(...)
depuis que l’Italie, sous l’impulsion de son ministre de l’intérieur Matteo Salvini, a refusé, en juin, d’accueillir l’Aquarius avec 630 migrants à son bord, ses ports sont fermés aux humanitaires et les Etats membres se déchirent sur l’accueil des migrants.(...)
« Désormais, chaque sauvetage en mer donne lieu à des négociations au cas par cas qui peuvent durer des semaines jusqu’à ce qu’une solution de débarquement soit trouvée », constate Céline Schmitt, porte-parole du HCR en France. L’été a été jalonné de ces crises. (...)
Cette incertitude pourrait avoir des répercussions plus insidieuses. « Notre crainte, c’est que, compte tenu du manque de prévisibilité des débarquements, des bateaux commerciaux ne répondent pas aux appels de détresse, confie Vincent Cochetel. Nous avons des informations précises en provenance du MRCC Rome [centre de coordination de sauvetage maritime] selon lesquelles des bateaux éteignent leur système anticollision pour ne pas être sollicités pour des opérations de sauvetage. Les armateurs et les compagnies n’ont pas envie de s’embarrasser et optent pour la politique de l’autruche. »(...)
Pendant ce temps, les navires humanitaires ont subi de multiples entraves. A l’heure actuelle, et depuis près de trois semaines déjà, aucun ne patrouille en Méditerranée centrale. Une situation inédite par sa durée. Les deux navires de l’ONG allemande Sea Watch sont bloqués à Malte, de même que celui de l’ONG allemande Lifeline. L’ONG espagnole Proactiva, dont les navires sont actuellement amarrés à Barcelone, a annoncé fin août qu’elle abandonnait la Libye et patrouillerait, désormais, entre l’Espagne et le Maroc.(...)
« Les intenses campagnes de criminalisation des ONG en Méditerranée centrale et la mise en marche de politiques inhumaines ont provoqué non seulement la fermeture des ports d’Italie et de Malte, mais aussi la paralysie de nombreuses organisations humanitaires de sauvetage, ainsi que l’augmentation du flux migratoire vers le sud de l’Espagne », a justifié l’ONG dans un communiqué. (...)
C’est dans ce contexte particulièrement dégradé que l’Aquarius, actuellement à quai à Marseille, prépare une nouvelle campagne de recherche et de secours. Le Monde rembarque à son bord. (...)