
Le budget 2021 accorde un crédit d’impôt aux agriculteurs engagés dans la certification Haute valeur environnementale (HVE). Créé pour valoriser des changements de pratiques agricoles, ce label, trop peu ambitieux, est aujourd’hui décrié par des associations environnementales, qui y voient un outil d’écoblanchiment.
Le budget 2021 accorde un crédit d’impôt aux agriculteurs engagés dans la certification Haute valeur environnementale (HVE). Créé pour valoriser des changements de pratiques agricoles, ce label, trop peu ambitieux, est aujourd’hui décrié par des associations environnementales, qui y voient un outil d’écoblanchiment. (...)
Pour encourager davantage d’agriculteurs à suivre cette voie, la loi de finances 2021 prévoit un crédit d’impôt d’un montant de 2.500 euros destiné aux exploitants certifiés HVE. Coût total pour les finances publiques : 76 millions d’euros. L’enveloppe fait grincer quelques dents : en décembre dernier, plusieurs associations, la Confédération paysanne en tête, ont demandé – en vain – le retrait de ce coup de pouce fiscal. Pourquoi tant de crispations autour du label HVE ?
Tout a commencé lors du Grenelle de l’environnement de 2007, où s’est amorcée une réflexion sur les conséquences environnementales de l’agriculture. « Au-delà des OGM et des traitements phytosanitaires, le constat fut que l’activité agricole avait aussi un impact sur la biodiversité ou encore les ressources en eau », raconte Laurent Brault, représentant de l’Association nationale pour le développement de la certification HVE. Autre constat : le manque d’autonomie de l’agriculture française. « Outre sa dépendance aux intrants chimiques, elle souffre d’une hyperspécialisation. Les agriculteurs produisent de moins en moins leur propre engrais ou l’alimentation de leur bétail, poursuit Laurent Brault. Mais intégrer de nouveaux critères au cahier des charges de l’agriculture biologique se révélait complexe, car il est soumis à la réglementation européenne depuis 1991. » (...)
Les tractations du Grenelle aboutirent à un processus de certification fondé sur une architecture en trois niveaux, en application depuis 2012. Le niveau un correspond au respect de la réglementation agricole en vigueur. Le niveau deux encourage à répondre à divers points d’exigence, comme identifier les zones de biodiversité, telles que les haies, sur la ferme. Seul le niveau trois certifie l’exploitation, autorisant ainsi l’agriculteur à apposer le fameux logo sur ses produits.
Ce dernier niveau comporte lui-même deux options, dites A et B. L’option A consiste en un cahier des charges comportant des exigences en matière de biodiversité, de stratégie phytosanitaire, de gestion de la fertilisation et de l’irrigation. Pour chaque catégorie, divers indicateurs évaluent la « performance environnementale » de l’exploitation. L’option B, comptable, correspond à un ratio – qui ne doit pas dépasser 30 % – entre le coût des intrants utilisés (par exemple, les pesticides) et le chiffre d’affaires de l’exploitation. Or, cette option, qui n’est d’ailleurs pas plébiscitée par les exploitants, avantagerait ceux ayant la maîtrise de leurs prix de vente et les productions à forte valeur ajoutée : en effet, plus le chiffre d’affaires est élevé, moins les intrants pèsent dans la balance. (...)
Les tractations du Grenelle aboutirent à un processus de certification fondé sur une architecture en trois niveaux, en application depuis 2012. Le niveau un correspond au respect de la réglementation agricole en vigueur. Le niveau deux encourage à répondre à divers points d’exigence, comme identifier les zones de biodiversité, telles que les haies, sur la ferme. Seul le niveau trois certifie l’exploitation, autorisant ainsi l’agriculteur à apposer le fameux logo sur ses produits.
Ce dernier niveau comporte lui-même deux options, dites A et B. L’option A consiste en un cahier des charges comportant des exigences en matière de biodiversité, de stratégie phytosanitaire, de gestion de la fertilisation et de l’irrigation. Pour chaque catégorie, divers indicateurs évaluent la « performance environnementale » de l’exploitation. L’option B, comptable, correspond à un ratio – qui ne doit pas dépasser 30 % – entre le coût des intrants utilisés (par exemple, les pesticides) et le chiffre d’affaires de l’exploitation. Or, cette option, qui n’est d’ailleurs pas plébiscitée par les exploitants, avantagerait ceux ayant la maîtrise de leurs prix de vente et les productions à forte valeur ajoutée : en effet, plus le chiffre d’affaires est élevé, moins les intrants pèsent dans la balance. (...)
« Le label HVE ne proscrit pas en particulier les pesticides cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques »
À ses débuts, le label HVE ne décollait pas vraiment. Début 2018, seules 841 exploitations étaient certifiées. La raison ? « Il s’agit d’une démarche globale de changement, à l’échelle d’une exploitation, ce qui prend du temps », suggère Laurent Brault, de l’association HVE. Mais le label a connu un récent coup d’accélérateur : de 1.518 exploitations certifiées début 2019, elles sont passées à 5.399 en janvier 2020 et à... 8.218 en juillet dernier. Une hausse de plus de 50 % en six mois.
De son côté, le gouvernement vante ce label, affichant un objectif de 50.000 exploitations engagées d’ici 2030. Une promotion tous azimuts qui alarme la Confédération paysanne, déjà échaudée par la loi sur l’Agriculture et l’alimentation, dite « loi EGalim », soulève son porte-parole, Nicolas Girod (...)
inclure la démarche HVE dans les critères d’attribution de ces aides affaiblirait l’ambition du dispositif, selon la Confédération paysanne. « Le label HVE ne proscrit pas en particulier les pesticides cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques, ce qui n’est pas de nature à amorcer la nécessaire transition du modèle agricole », dit Nicolas Girod. Le bond récent d’exploitations certifiées a de son côté alerté France Nature Environnement. « Des coopératives entières de la filière fruitière ont par exemple engagé leurs adhérents dans la certification HVE, souligne ainsi Cécile Claveirole.
Or, avec ce label, il suffit d’avoir trois ruches sur son exploitation pour remplir un critère de biodiversité. Il faudrait a minima relever les exigences, qui semblaient peut-être suffisantes à l’époque du Grenelle, mais qui ne sont désormais plus assez engageantes. »
Un désaveu de la part de l’organisation qui a initialement porté le label. « On a cru, assez naïvement, qu’il valoriserait un réel changement de pratiques, admet Cécile Claveirole. Or, des représentants de l’agriculture intensive tendent à le récupérer en vue de se verdir, sans volonté de changer de modèle. » (...)
Les détracteurs du label avancent une autre explication : la certification serait poussée par une filière viticole française très consommatrice de pesticides et qui aurait trouvé là un moyen de redorer son image. La Confédération paysanne note ainsi que le crédit d’impôt HVE fut introduit dans le budget 2021 par la majorité présidentielle au nom de députés du groupe d’études Vigne, vin et œnologie. « La catégorie des vignerons indépendants s’est davantage emparée du label », remarque Cécile Claveirole. (...)