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Mediapart
La vie de Lauren Hough, martyre des valeurs de l’Amérique
#Amerique #sexualites #sectes
Article mis en ligne le 3 mai 2023
dernière modification le 2 mai 2023

Elle a passé son enfance dans une secte évangélique yankee. Lauren Hough, dans un premier livre, « La Fureur de vivre », regarde le monde avec âpreté : ses phrases sont des claques, ses observations sont violentes et tendres. Un récit enragé, engagé, mais apaisé

Richard Isay (1934-2012), psychanalyste gay et figure primordiale concernant l’acceptation de l’homosexualité dans le milieu freudien, prétendait qu’aux États-Unis, l’homophobie cachait quelque chose de fondamental : la peur de l’efféminé.

Dans le texte bouleversant de Lauren Hough, le lesbianisme de la narratrice sert de paratonnerre à de telles angoisses, comme si, aux yeux de son entourage, une femme amoureuse d’autres femmes concentrait toute l’horreur de l’altérité. Lauren Hough vit un martyre, sa seule existence est un affront aux valeurs de l’Amérique, pays qui, faute d’être macho, est andro-autistique, conspuant la féminité. L’autrice illustre la formule de Nietzsche : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. » Hough est une survivante, son supplice nourrit sa distance.

Tout commence avec la secte, fondée par un certain David Berg qui, en 1968 à Huntington Beach (Californie), s’est mis à prêcher la bonne parole aux hippies dans un petit café sur la plage, Les Jeunes pour le Christ. Berg se servait de ses adolescents comme d’appâts, ils chantaient en offrant du café, des beignets rassis et un abri. L’évangile de Berg faisait de Jésus un hippie aux cheveux longs et le plus grand radical de l’histoire du monde. C’était un message d’amour inconditionnel, les adeptes trouveraient un sens à leur vie pourvu qu’ils abandonnent « tout », voire leurs biens et leur entourage. (...)

Pendant que les adeptes gelaient dans leurs cabanes, Berg s’est trouvé un appartement sympathique à Dallas ; il a remplacé sa femme par sa secrétaire, en lui ajoutant deux ou trois maîtresses.

Les « Enfants de Dieu » envoyaient des équipes de missionnaires dans les écoles et les facultés, aux arrêts de bus, et aux carrefours stratégiques comme les places situées devant les Nations unies ou la Maison Blanche. Le magazine Time les surnommait « Fous de Jésus ». Lorsqu’ils ont quitté le ranch, Berg avait réuni 1 400 fidèles, dont les parents de Lauren Hough. (...)

En fait, loin d’être une exception, les règles de la secte semblent gouverner l’Amérique entière. (...)

Lauren Hough, La Fureur de vivre. Préface de Cate Blanchett. Trad. de l’anglais (États-Unis) par Marie Chuvin et Laure Jouanneau-Lopez, Éditions du Portrait, 336 p., 24,90 euros.