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La stupidité autoritaire
Article mis en ligne le 23 février 2018

Force et bêtise : le gouvernement a montré jeudi 22 février deux aspects de son visage. Force brutale, on l’a raconté ici. Mais bêtise, aussi, quand le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, explique dans un lapsus : « Nous ne voulions plus qu’un certain nombre de lieux puissent être évacués indûment. » Ou quand l’Andra annonce qu’elle va « nettoyer le bois » — alors qu’elle veut à terme y installer des bouches d’évacuation des gaz radioactifs…

Sébastien Lecornu, secrétaire d’État à la Transition écologique, affirme aussi que « la concertation dure depuis 1990 ». On mettra sur le compte de la jeunesse — M. Lecornu est né en 1986 — cette plaisanterie : dès 1987, l’opposition très vive dans tous les sites pressentis en France par les gouvernements de l’époque a fait reculer ceux-ci, et si Bure a été choisi, c’est essentiellement parce que ce territoire peu peuplé paraissait plus faible.

Et en ce qui concerne la concertation à Bure, elle s’exprime par une répression policière continue depuis des mois — qui témoigne d’un État policier bien plus que d’un État de droit — et par le déversement d’argent aux limites de la corruption depuis des années, dans un territoire à qui on veut faire accepter une installation occupant à terme 300 hectares d’entreposage en surface de déchets radioactifs, des galeries souterraines courant sur 300 km, une émission continu de gaz radioactifs, et la consommation d’eau de 500 m3 par jour — sans compter les risques, sur lesquels on va revenir. (...)

La constante référence à « l’État de droit » relève du même registre de la plaisanterie sinistre, alors que presque tous les actes entrepris par le gouvernement ou l’Andra donnent lieu à des contestations juridiques, où les autorités sont régulièrement sanctionnées. (...)

La concertation supposerait que l’on réponde aux questions que posent les élus et les médias libres aux autorités. Mais quand des députés demandent au gouvernement la publication de la carte des sites de déchets nucléaires existant en France ou des informations sur le projet de stockage en piscine à Belleville-sur-Loire, ils ne reçoivent pas de réponse.

C’est bien M. Macron qui est en cause, et c’est bien de stupidité qu’il s’agit
La stupidité autoritaire : voici donc l’attitude adoptée par M. Macron face au problème lancinant des déchets nucléaires. C’est bien M. Macron qui est en cause, et c’est bien de stupidité qu’il s’agit (...)

pourquoi stupide ? Comme beaucoup de gens très intelligents, M. Macron croit pouvoir comprendre tous les problèmes, même ceux dont il ignore l’essentiel. À peu près dénué de culture scientifique, M. Macron fait comme l’immense majorité de la classe dirigeante française, il croit ce que lui disent les « experts » de l’industrie nucléaire. Et donc, il croit ou fait mine de croire — selon l’élément de langage repris par tous les ministres et députés qui s’expriment sur le sujet — qu’il y a « les déchets » et que les enfouir est « la moins pire des solutions ».

L’ennui, c’est que cet apparent bon sens est stupide, et que le répéter revient à entretenir la société dans l’ignorance des enjeux réels. (...)

En bref : arrêter de produire les déchets, arrêter le retraitement, reconfigurer un éventuel Cigéo, réfléchir aux alternatives — voilà ce qu’un gouvernement responsable et intelligent poserait sur la table.

En reconnaissant que c’est une opposition tenace et réfléchie de femmes et d’hommes de tous horizons qui permet de poser ces questions que les nucléaristes prétendent faire taire par les matraques.