
Les savoirs critiques sont aujourd’hui menacés. Or en France les attaques politiques sont relayées dans le monde universitaire - paradoxalement au nom de la « neutralité axiologique » ou de « l’autonomie ». Mais les savoirs ne sont jamais hors du monde ; ils sont situés. C’est la leçon des épistémologies féministes : la savante est politique. Tel est l’objet de notre colloque en ligne du 7 au 10 juin.
Un peu partout dans le monde, les savoirs critiques sont aujourd’hui menacés – du Brésil à la Turquie, de la Pologne et de la Hongrie au Royaume-Uni ou à la France. C’est vrai dans le domaine des humanités, et tout particulièrement des sciences sociales.
La menace est double : d’une part, les politiques néolibérales exercent une pression de plus en plus forte sur les conditions matérielles de l’enseignement et de la recherche ; d’autre part, les politiques autoritaires s’en prennent ouvertement aux savoirs critiques pour les délégitimer, les marginaliser voire les censurer.
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En France, la réaction idéologique se déchaîne aujourd’hui contre les études sur la race, le genre et l’intersectionnalité, mais aussi contre les études postcoloniales et décoloniales, toutes regroupées sous le label polémique « islamo-gauchisme ».
Ces logiques économiques et politiques convergent pour mettre en danger l’exercice des libertés académiques, l’auto-censure redoublant les effets de la censure.
Pourtant, de telles offensives peuvent être lancées au nom de la liberté d’expression que menaceraient les savoirs critiques en imposant le « politiquement correct ». « Maccarthysme de gauche » et « tyrannie des minorités », « culture woke » et « cancel culture » : les discours majoritaires seraient réduits au silence par les contre-discours minoritaires, dans les universités comme dans les arts et plus généralement dans la culture. C’est nier que, pour censurer, il faut en avoir le pouvoir.
Pareille inversion rhétorique redouble : si les campagnes contre la (supposée) « idéologie du genre » se réclament d’ordinaire du « sens commun » contre la « théorie », ce n’en est pas moins au nom de la science que sont en même temps récusés les savoirs critiques, taxés d’idéologie : on leur reproche de confondre le savant et le politique.
Le conservatisme se drape ainsi dans la neutralité axiologique, en opposant l’autonomie du champ scientifique à la politisation des savoirs.
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Troisième renversement : c’est au nom de l’universalisme que sont récusés les savoirs critiques, comme si les questions minoritaires se réduisaient à des revendications identitaires, renvoyées au communautarisme voire au séparatisme, alors qu’elles parlent des formes de domination – et donc de la liberté et de l’égalité, valeurs universalistes.
Notre colloque sur « la savante et le politique » est une réponse à ces offensives, le féminin évoquant en un clin d’œil les tentatives d’interdire l’écriture inclusive.
Il se met en place depuis la France, où ces campagnes s’inscrivent à rebours d’une tradition de pensée critique qui a résonné bien au-delà de ses frontières, depuis l’enseignement supérieur et la recherche, où les libertés académiques sont en jeu, et depuis les études de genre, qui sont particulièrement visées. Mais ce triple point de vue doit être compris comme un point de départ : à partir de la France, analyser les logiques à l’œuvre dans de nombreux pays, à partir de l’université, comprendre les politiques néolibérales et autoritaires, et à partir des études de genre, étudier l’offensive contre l’ensemble des savoirs critiques. (...)
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NOTA BENE : le colloque sera enregistré ; l’enregistrement sera ensuite mis en ligne sur le site du LEGS. (...)
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