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Libération
« La répression de l’homosexualité en France demeure largement ignorée du grand public »
Article mis en ligne le 28 juillet 2018
dernière modification le 27 juillet 2018

Pour « Libération », l’historienne Florence Tamagne revient sur l’ampleur de la répression pénale des actes homosexuels après 1945. En France, elle est l’une des premières à s’être intéressée à l’entrée « homosexualité » des archives judiciaires.

L’histoire de l’homosexualité en France, en dépit d’avancées considérables ces dernières années, reste encore largement à faire. La période 1945-1970 a en particulier souffert d’un relatif désintérêt, en dépit de travaux précurseurs comme ceux de Julian Jackson sur Arcadie(1). J’ai pour ma part commencé à m’y intéresser en 2007, quand j’ai mis à jour la fameuse entrée « homosexualité » au sein des statistiques judiciaires. J’ai présenté cette année-là à Amsterdam un premier état des lieux des condamnations et de la sociologie des personnes condamnées, repris, lors de colloques qui se sont tenus à Lausanne en 2015 et Berlin en 2016(...)

Pour autant, cette répression demeure aujourd’hui largement ignorée du grand public. Tout, ou presque, reste donc à faire(...)

les années 50 et 60, sous l’influence notamment du Parti communiste français et des démocrates-chrétiens du MRP, sont un temps d’exaltation de la famille, d’encouragement à la natalité et de condamnation des déviances. Le 1er février 1949, une ordonnance de police interdit aux hommes de se travestir ou de danser ensemble dans les lieux publics à Paris. Le 18 juillet 1960, le vote de l’amendement Mirguet, qui fait de l’homosexualité un « fléau social », aboutit à l’aggravation des peines en cas d’outrage public homosexuel à la pudeur.(...)

Sur environ 9 000 condamnations pour « homosexualité » en métropole, environ 106 concernent des femmes, avec 1 à 12 cas par an, a priori quasi exclusivement pour des relations avec des mineures. De tous âges, même si une majorité a entre 20 à 30 ans, elles sont généralement issues de milieux modestes (12% d’ouvrières spécialisées, 11% d’employées de bureau), sachant qu’une majorité (37%), dite sans profession, est probablement femme au foyer. (...)

Pour la police, outre la « corruption de la jeunesse », le principal danger était la visibilité homosexuelle dans l’espace public, en particulier dans des lieux touristiques (...)

Ce harcèlement policier a sans aucun doute contribué à créer un sentiment d’insécurité chez nombre d’homosexuels. Les arrestations et éventuelles condamnations à ce titre ne sont pas intégrées à l’entrée « homosexualité » des statistiques judiciaires mais comptabilisées avec le délit de racolage actif, qui concerne cependant surtout la prostitution féminine. Par ailleurs, les quelques données dont nous disposons prouvent que les personnes arrêtées n’étaient pas forcément des prostitués : on trouve ainsi des commerçants, domestiques, ouvriers, instituteurs, cadres supérieurs ou des membres du clergé !(...)

Ce sont plus de 50 000 hommes qui sont condamnés en République fédérale d’Allemagne (RFA) entre 1949 et 1969, et les peines sont bien plus lourdes. Surtout, comme en Grande-Bretagne, ce sont bien les relations homosexuelles entre hommes en général qui sont visées. Les procès à scandale créent une atmosphère de honte et de peur sans équivalent en France. (...)