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La reconnaissance, en termes de droit, de l’universalité du vivant
Article mis en ligne le 1er juin 2018
dernière modification le 31 mai 2018

« Un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même », Claude Lévi-Strauss, 1968
Souvent contestée, parfois évoquée, mais généralement ignorée, l’universalité du vivant, pourtant évidente, peine à se faire reconnaître. Et pourtant, cela empêcherait bien des abus autour de la privatisation du vivant. Explications.

Accepter, en effet, de définir le vivant comme une sphère commune à la nature et à l’homme impose donc le même respect économique, et implique des droits et des obligations de protections réelles et d’exploitation mesurée. Une telle définition du vivant est antagoniste avec l’idéologie défendue par tous ceux qui ont fait du développement économique le salut de notre planète.

Le résultat de ce salut, à entendre une grande majorité des scientifiques du climat, des sciences de la nature et des physiciens, demeure une dégradation avérée de notre environnement menaçant notre futur.
Les institutions peuvent, dans ces conditions - car, c’est leur pouvoir - voter, décider, juger contre la nature, et plus largement le vivant, en y incluant l’homme. Il y aura toujours deux façons de lire le droit, ce que Montesquieu rappelait déjà à son époque : dans sa lettre ou dans son esprit. (...)

Il devient donc impératif de se demander ce qu’implique en termes de droit d’accepter l’universalité du vivant. Cependant, pour être concis, nous nous limiterons à l’exemple sur la propriété du vivant. Il va sans dire que cette question demanderait bien d’autres développements.

Isoler pour posséder : les considérants désuets de la directive 98/44/CE et la logique du procédé technique
Les rédacteurs doivent exposer dans des considérants pourquoi ils demandent le vote de leur texte.

Dans la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, il est exposé une cinquantaine de considérants dont un certain nombre ont été remis en cause depuis par les connaissances juridiques et scientifiques.

On lit, par exemple, que les développements des biotechnologies visent des « méthodes culturales moins polluantes et plus économiques du sol » (considérant n°10) ou a pour but « le domaine de la lutte contre la faim dans le monde » (n°11). Affirmations aujourd’hui remises en cause par les révélations sur la toxicité des OGM, sur les dangers des monocultures de l’agriculture industrielle, sur les causes de l’érosion des terres arables ou encore de l’importance fondamentale de l’agriculture paysanne mise en évidence par le travail du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation auprès des Nations-unies.

C’est donc aujourd’hui une directive aux considérants fragilisés qui définit le droit applicable sur les éléments brevetables dans le vivant. (...)

La logique depuis n’a que peu varié pour breveter le vivant. La première opération consiste à « isoler » un élément constitutif. Cet élément décrypté, transformé ou produit via un « procédé technique », issu de l’ingéniosité humaine, peut alors être breveté. Le périmètre de propriété de ce brevet s’étendra directement au produit issu de ce procédé.

La parabole du billet de banque

Pour bien comprendre cette logique juridique d’accaparement du vivant – c’est-à-dire d’étendre un brevet d’un élément constitutif au produit « global » – appliquons-le à un autre sujet tel qu’un « billet de banque ».

Imaginons un instant qu’un ingénieur décompose les éléments composant un billet de banque, qu’il en isole un élément constitutif et en décrive la fonction, puis brevette cet élément (de la même façon dont on brevette des séquences génétiques). L’ingénieur en question est-il pour autant propriétaire du billet de banque produit avec la séquence qu’il possède ?
Aucune autorité, tant politique que juridique, n’accorderait à notre ingénieur la moindre propriété sur les billets émis. Pourquoi alors accorder cette dernière lorsqu’il est question de vivant ? (...)

nous ne pouvons pas être propriétaire d’une chose génératrice de droit ou créatrice de norme car c’est posséder la source commune de l’ensemble d’une société. Notre ingénieur ne peut donc pas être propriétaire de l’ensemble des billes de banque émis, même s’il détient le procédé technique.

Le vivant, un bien commun
Remplaçons un instant le billet de banque par le vivant. Ce dernier, à l’origine de tout, est, par essence, la condition même pour que l’ensemble d’une société existe. Sans vivant, nous ne serions pas là, en effet, pour discuter sur ce sujet.

Le vivant est de la sorte bien plus que notre billet de banque, un générateur de droit. Il est non seulement à l’origine de notre présence, mais demeure par extension plus imprescriptible que les lois humaines. Il est générateur de la totalité. Il est donc comme l’autorité politique, créateur de normes. (...)

L’homme et la nature, une totalité vivante

Dans ces conditions, l’objectif n’est plus la recherche d’une « nouvelle harmonie entre la nature et les hommes », comme dans le projet de loi français sur la biodiversité, où d’un côté, se situe la nature, et de l’autre, les hommes, comme si au final, les hommes et la nature ne faisaient pas partie du même vivant universel. La question se pose alors, si l’homme est considéré comme vivant, la nature est-elle aussi vivante ?

Il est notable de voir comment l’universalité du vivant, pourtant incontestable, à des difficultés pour devenir une réalité humaine.

Rappelons que l’universalité, en terme juridique, implique une totalité, qui fait de l’homme un être en harmonie de fait avec la nature, un élément du vivant dans une nature indivisible. (...)