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La publicité, carburant des migrations internationales
Article mis en ligne le 14 juin 2019

Les Afficheurs solidaires sont « des personnes issues d’horizons divers, militants à la mesure de nos possibilités quotidiennes, certain-es habitués des actions de désobéissance, certain-es engagés auprès des exilés ».

En juin 2017 nous nous sommes réunis à Montpellier pour une action antipub destinée à sensibiliser sur les conditions d’accueil réservées aux personnes cherchant l’asile en France. (...)

Nous avons, en plein jour et à visage découvert, ouvert sans dégradation des panneaux de publicités commerciales — principalement aux arrêts de tram et bus — et les avons remplacées par des affiches faites maison : « La solidarité comme le soleil n’a pas de frontière. » « Aucun être humain n’est illégal. » « L’asile est un droit. » « La publicité abrutit, la solidarité enrichit. »

Après une interpellation par la brigade anticriminalité (BAC) et un dépôt de plainte de JCDecaux, nous avons comparu au tribunal de police le 10 mai 2019. La société JCDecaux s’étant portée partie civile, elle nous réclame 3.000 euros de dommages et intérêts ; le procureur quant à lui a requis 300 euros d’amende pour chacun des quatre prévenus. Ce vendredi 14 juin, nous avons été condamnés à verser 1773,35 euros de dommage et intérêts.
Nous nous élançons vers un mur, à fond de caddie bourré des dernières promos

Nous assumons pleinement cette action de désobéissance civile. Pour plusieurs raisons. Nous désapprouvons la politique migratoire actuelle, qui déshumanise les personnes migrantes en les considérant comme un « flux à maîtriser », sans égard pour leurs droits fondamentaux. Cette politique conduit à criminaliser toujours plus les personnes à la recherche d’un avenir meilleur. Elle conduit à des humiliations quotidiennes, à de la misère, à des morts.

Nous côtoyons au quotidien des personnes qui ont laborieusement commencé à reconstruire leur vie ici, à y trouver une activité, à s’y faire des amis, et qui se retrouvent brutalement expulsés, notamment en raison d’une procédure Dublin, aussi absurde qu’injuste. (...)

D’un point de vue politique et écologique, comment pouvons-nous ne pas faire le lien entre la surconsommation, la surproduction, les guerres pour les matières premières, le dérèglement climatique et les migrations qui en découlent ? La publicité est le fer de lance d’une logique consumériste insoutenable.

Nous nous élançons vers un mur, à fond de caddie bourré des dernières promos. (...)

Face à cette confiscation de l’espace public pour une exploitation consumériste, nous avons utilisé un droit de réponse sur le même support. En écrivant une vérité sur un mensonge, nous n’avons pas dégradé, nous avons « regradé ».
Museler toute voix dissonante dans l’empire de la consommation

Les discours nous promettant un meilleur pouvoir d’achat n’endorment plus grand monde, ceux cherchant à faire de l’étranger un responsable des conséquences du capitalisme sont de plus en plus nauséabonds. (...)

La criminalisation des actions de désobéissance comme la nôtre, actions qui n’ont malheureusement qu’un impact très faible au regard du chiffre d’affaires annuel de ces grands groupes, est une façon évidente de museler toute voix dissonante dans l’empire de la consommation.

Le système judiciaire, chaque fois qu’il prononce une peine à l’encontre d’un désobéissant, cautionne ni plus ni moins la financiarisation du monde. (...)

D’un côté, les montants colossaux des recettes publicitaires [2], de l’autre des moyens d’accueil indigents et une situation humanitaire déplorable pour nombre de personnes étrangères privées de la satisfaction de leurs besoins fondamentaux : désobéissons pour inverser cette logique.