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Huffington post
La "nasse", cette technique policière omniprésente en manif’ mais au cadre légal incertain
Article mis en ligne le 4 mai 2019

1ER MAI - Ce serait l’élément déclencheur de l’intrusion à la Pitié-Salpêtrière, l’étincelle qui aurait mené à un psychodrame politico-médiatique. Mercredi 1er mai, alors que le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner s’indignait d’une “attaque” de l’hôpital parisien durant la manifestation de la Journée internationale des travailleurs, de nombreux témoignages ont rapidement contredit la version alarmiste des autorités.

“On était en pleine nasse ultra-gazée et super-compacte quand j’ai vu des personnes apeurées se réfugier partout où elles pouvaient, dans la cour de l’hôpital de la Salpêtrière, la petite église à côté, l’université, et moi dans une petite résidence pour fuir les CRS et la lacrymo”, raconte par exemple Fatima Benomar, militante féministe, sur son compte Facebook.

Ce mot de cinq lettres, “nasse”, bien connu des gilets jaunes et autres habitués des pavés, revient dans de nombreux témoignages de cette journée de mobilisation, comme celui ci-dessous, partagé près de 3000 fois sur Twitter.

Incontournable du maintien de l’ordre, cette technique policière d’encerclement de la foule, cette fois-ci combinée à des échauffourées, aurait donc poussé des manifestants paniqués à forcer les grilles de l’enceinte du complexe hospitalier. (...)

Invention de la police britannique au cours des années 70, la technique de la nasse, ou “kettling” en anglais (“bouillonnement”), consiste à regrouper des manifestants à l’intérieur d’un cordon policier plus ou moins hermétique.

Contacté par nos soins, Johann Cavallero, délégué national CRS du Syndicat Alliance, explique : “Il y a trois cas de figure. Parfois, on nasse au départ du cortège. Les gens sont impatients de partir, alors on peut les contenir, pour respecter l’heure de départ. On peut aussi intervenir durant la manifestation pour scinder un cortège en deux lorsqu’il y a des casseurs. Et enfin, on peut nasser en fin de manifestation pour diriger les manifestants vers une seule sortie et éviter que tout le monde s’éparpille de droite à gauche.” (...)

“Pas nouveau”, certes, mais de plus en plus utilisé. “Aujourd’hui, c’est devenu à Paris l’alpha et l’omega du maintien de l’ordre”, affirme David Dufresne.
Les risques de la pratique

Avec la nasse, il y a la théorie, et il y a la pratique. Citée dans un rapport du défenseur des droits sur le maintien de l’ordre publié en 2017, la préfecture de police explique que cette manoeuvre est “un moyen de prévenir ou de mettre fin à un trouble à l’ordre public” et qu’il est “systématiquement laissé une échappatoire aux personnes encerclées par les forces de l’ordre”. (...)

Mais “dans la pratique, il n’y a pas toujours de sortie, de manière voulue ou non, volontaire ou pas”, corrige David Dufresne, soulignant une réalité d’ailleurs souvent observée et vécue de près par les reporters du HuffPost sur le terrain, comme le montrent les images ci-dessous filmées lors d’une manifestation contre la réforme de la SNCF en avril 2018.

“La nasse, c’est un endroit où tu confines les corps et ça peut créer un sentiment de panique, rendre la foule hostile aux forces de l’ordre. On met les nerfs à rude épreuve et tout cela crée une cocotte-minute”, ajoute le journaliste. (...)

Le 1er mai 2019 fut celui d’une convergence entre plusieurs mondes : syndicats, gilets jaunes, black blocs, étudiants... Un cortège polymorphe qui se prêterait plus ou moins à la nasse et au maintien de l’ordre traditionnel à la française.

“Le maintien de l’ordre, c’est l’art de la foule, savoir la manipuler. Là-dessus, la France se base notamment sur un penseur du 19e siècle, Gustave Le Bon. Mais ses théories n’ont plus beaucoup de valeur aujourd’hui, puisque la foule est dorénavant plurielle”, explique David Dufresne.

On s’explique mal l’utilisation de cette technique, à moins que la stratégie de la tension soit l’option choisie.David Dufresne (...)

Depuis quelques années, les fondements juridiques de l’”encagement”, selon les mots du défenseur des droits Jacques Toubon, soulèvent des questions. (...)

Si le défenseur des droits écrit que le “kettling” ne fait “pas partie des enseignements officiels”, le syndicat de police Alliance affirme le contraire. “Cela fait partie de nos formations et des doctrines officielles du maintien de l’ordre”, souligne Johann Cavallero.

Interrogé à ce sujet, ainsi que sur les risques de cette manoeuvre, la préfecture de police et le ministère de l’Intérieur se renvoient la balle auprès du HuffPost. (...)

une mesure d’exception et non une simple routine destinée à rejoindre le folklore des manifestations.