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La laine française termine au fumier
#laine
Article mis en ligne le 21 décembre 2022
dernière modification le 20 décembre 2022

Les éleveurs ne savent plus que faire de la laine, devenue quasi invendable. La filière de valorisation a été déstructurée et relancer une activité rentable à grande échelle s’avère complexe.

Le bélier de la mythologie grecque était paré d’une toison d’or. Aujourd’hui, la laine des moutons de nos campagnes ne vaut pas plus de quelques centimes le kilo... quand elle ne finit pas au fumier. « Cette année, les ballots de laine sont partis pour 15 centimes le kilo. Et encore, le négociant ne prend que la plus belle laine, raconte Rémi, éleveur de quelque 700 brebis à Mornand-en-Forez dans la Loire. J’avais deux gros sacs de laine rava, une race avec beaucoup de jarre [poil long et raide, peu adapté pour le textile], il n’en a pas voulu. Je l’ai utilisé comme litière pour mes bovins, et elle a donc fini au fumier. »

Dans le Puy-de-Dôme voisin, où 70 % des brebis élevées sont des ravas justement, aucun ramassage de laine n’a été organisé depuis deux ans. Les éleveurs sont contraints de tout stocker à la ferme. « C’est devenu un vrai fardeau. Il faut de la place et un endroit sec pour qu’elle conserve sa qualité pour pouvoir la vendre un jour. On a même eu une pénurie de curons [les grands sacs de stockage de la laine] », se désole Gaïane Seychal, conseillère ovins à la chambre d’agriculture du département.

Un déchet d’abattoir

La faute au Covid. Chaque année, environ 14 000 tonnes de laine sont produites en France. « Plus de 7 000 tonnes de laine de tonte brute (en suint) ont été exportées en 2019, à 70 % à destination de la Chine », selon le ministère de l’Agriculture. Mais en 2020, les exportations vers la Chine se sont arrêtées. « Elles ont repris cette année, mais pas au niveau d’avant, constate Audrey Desormeaux, chargée de projet à la Fédération nationale ovine (FNO). Et les stocks se sont accumulés chez les négociants pendant deux ans (...)

la laine, matière prisée il y a encore un siècle, est aujourd’hui assimilée à un « sous-produit animal de catégorie 3 », selon la réglementation européenne. Dit autrement, elle est considérée comme un déchet d’abattoir, éligible à l’équarrissage — le traitement des cadavres d’animaux —, si elle n’est pas traitée. Or la mettre chez l’équarrisseur coûte une fortune. (...)

Laine à vendre sur Leboncoin

Beaucoup optent alors pour le système D. « Il ne faut pas se voiler la face. On sait que des éleveurs finissent par brûler la laine, la mettre au compost ou l’enterrer », estime Audrey Desormeaux. Certains agriculteurs tentent de vendre leurs toisons ou de les donner sur Leboncoin. (...)

Cette année, Stéphane, éleveur de brebis à Vollore-Ville, dans le Puy-de-Dôme, a trouvé comment s’en débarrasser : il l’a donnée à un voisin qui isole un bâtiment, et à une maraîchère qui l’utilise en paillage pour ses fruits rouges : « La laine lui permet de garder le sol bien frais et lui évite le désherbage. » Dans le département, quelques curons partent chez Terre de laine, une scop qui fabrique pulls, chaussons, couvertures, feutre, isolant, etc.

Les initiatives pour redonner ses lettres de noblesse à la laine ne manquent pas en France. C’est, par exemple, l’objectif de l’association Aux Fils des toisons qui rassemble une dizaine d’éleveuses et éleveurs en Sologne. Mais valoriser la laine de la solognote, brebis à la laine jarreuse, n’est pas mince affaire. (...)

Lavage avec des machines datant du XIXe siècle (...)

Le lavage de la laine fait partie des questions cruciales. « Aujourd’hui, c’est une étape qui consomme énormément d’eau — qu’il faut retraiter — et d’énergie », estime Pascal Gautrand. Il plaide pour la mise en place d’une technologie plus moderne : le nettoyage au CO2 supercritique, déjà utilisé dans les cosmétiques ou le textile. Le lavage de la laine fait partie des questions cruciales. « Aujourd’hui, c’est une étape qui consomme énormément d’eau — qu’il faut retraiter — et d’énergie », estime Pascal Gautrand. Il plaide pour la mise en place d’une technologie plus moderne : le nettoyage au CO2 supercritique, déjà utilisé dans les cosmétiques ou le textile. (...)

Le problème des mites pour l’isolation en laine (...)