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Rue 89
La jeunesse du Koweit découvre les affres de la rébellion
Article mis en ligne le 8 janvier 2013

Le Koweït ne fait guère la une des journaux. Malgré ses immenses richesses pétrolières (troisième producteur de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole), il est petit (1,2 million d’habitants), et n’aime pas se faire remarquer sur le plan diplomatique.

Qui plus est, il a une scène politique éclatée et complexe qui ne peut que rebuter le journaliste de passage. Il est donc resté dans l’angle mort des médias

(...) Les choses s’accélèrent depuis les élections anticipées du 1er décembre 2012. Ces élections ont été boycottées par l’opposition en protestation contre le nouveau mode de scrutin imposé par l’émir. Dès le lendemain de ces élections, la contestation s’est déplacée des instances institutionnelles vers la rue.

En un temps record, des manifestants de plus en plus jeunes ont adopté des
attitudes rebelles inspirées de Che Guevara et des Anonymous, ont découvert l’odeur des gaz lacrymogènes, se sont mis à jeter des pierres et ont appris à tenir tête aux forces spéciales.

La répression va elle aussi croissant : arrestations par dizaines dans les manifestations et poursuites engagées contre près de 500 personnes depuis le début de l’année, y compris contre d’anciens députés, des blogueurs et des intellectuels, sans compter la fermeture d’une chaîne de télévision proche de l’opposition.

Cette montée de plus en plus rapide des tensions est d’autant plus inquiétante qu’elle se greffe sur des divisions de plus en plus profondes. L’opposition entre bourgeoisie citadine et populations tribales a aussi été exacerbée par les programmes incendiaires d’une chaîne satellitaire privée qui avait coutume de traiter les tribaux de « cafards » – et qui, selon l’opposition, aurait été soutenue en sous-main par l’émir lui-même. (...)

pour une large frange des jeunes, et surtout les jeunes tribaux qui arrivent massivement sur le devant de la scène politique, il ne s’agit pas de demander plus d’argent (ils vivent très bien, même pour les moins bien lotis). Il s’agit pour eux de ce qu’ils appellent « karama » (dignité), à savoir l’exigence d’être désormais traité en adulte citoyen et non plus en sujet, ni de sa majesté, ni des notables traditionnels.

L’émergence de cette nouvelle élite politique se passe certes de manière parfois brouillonne, donnant lieu à l’élection d’éléments très islamistes, comme lors des précédentes élections en février 2012. Mais quand on les fréquente de plus près, on constate surtout leur soif d’idées nouvelles et l’évolution impressionnante de leur horizon intellectuel.

Ils lisent, discutent, réfléchissent, avancent et apprennent à marcher en marchant. Les tentatives d’étouffer cette évolution ont jusqu’à présent toujours produit l’effet inverse de celui souhaité, et provoqué un sentiment de rejet de plus en plus fort du régime. Pour la première fois, en ce mois de décembre, quelques « le peuple veut la chute du tyran » ont émaillé des manifestations. (...)

L’importance de la suite des événements va bien au-delà de ses frontières. Elle pourrait en effet avoir une influence considérable sur son voisin saoudien, et par conséquent sur toute la région.

Car l’Arabie saoudite risque de connaître à moyen terme une crise politique d’une amplitude considérable (famille régnante vieillissante, présence de plus en plus massive de diplômés-chômeurs, corruption de plus en plus criante et de moins en moins acceptée, etc.)

Les tribus qui forment le fer de lance de l’opposition koweïtienne entretiennent d’étroits liens avec leurs homologues de l’autre côté de la frontière. (...)