
La réforme des retraites, si elle s’appliquait, aggraverait encore le sort des femmes retraitées. Pour celles qui se sentent concernées, et pour leurs filles, d’autres moyens que la grève professionnelle existent ou sont à inventer afin de tenter d’empêcher la mise en place de ce projet inique, et financièrement désastreux. J’en propose un : la grève des mères.
Pour le moment, le gouvernement, soucieux de complaire à l’Europe et aux fonds de pensions, maintient son catastrophique projet de réforme des retraites et ce, malgré l’opposition de la majorité des citoyens, de la plupart des syndicats et des groupes politiques, du Conseil d’État, du Conseil commun de la Fonction publique etc. En fait, à part la CFDT, qui soutient ce projet de réforme à points ?
Comme l’a dit très justement le président du syndicat CFE-CGC, le pire, dans cette réforme, c’est le mensonge. (...)
notre système n’est pas en défaut et ne le sera pas à court et moyen terme. Et s’il l’était par l’augmentation du nombre de retraités, il suffirait d’augmenter de peu les cotisations pour revenir à l’équilibre : c’est le principe de la retraite par répartition auquel les français tiennent énormément, et ils ont raison. En revanche, si pour compenser la future retraite minimale un grand nombre de français se tournait vers la retraite par capitalisation, qui compenserait leurs pertes en terme de pension dans le cas où surviendrait un problème grave de trésorerie, voire un krach boursier ?
Mais augmenter les cotisations, cela ne plaît pas au patronat…
Alors qu’augmenter les investissements dans les fonds de pension (eux-mêmes en difficulté) cela plaît à la finance…
Cependant ce qui est absolument faux aussi, dans la communication gouvernementale sur la réforme, c’est que le régime par points envisagé serait favorable aux gens qui ont de petites retraites (...)
Et ce qui est vrai pour tous les salariés aux carrières difficiles, l’est encore plus pour les femmes.
En effet celles-ci sont nombreuses à avoir mis de côté leur ambition professionnelle pour rester disponibles pour la famille et les enfants. Pour les mêmes raisons elles ont pris des temps partiels. Elles se sont arrêtées plusieurs années quand les enfants étaient petits.
Cette réalité est tellement avérée que l’État avait compensé ces trous dans la carrière par l’ajout de trimestres en fonction du nombre d’enfants (...)
Ainsi, les futures retraitées ayant eu des enfants vont encore plus y perdre que les autres. Et ce d’autant plus que les pensions de reversion ne seront plus versées aux divorcées. Or, il n‘est pas rare que des femmes dont j’ai décrit le parcours plus haut, se retrouvent seules après un divorce, divorce parfois consécutif à la rencontre d’une autre femme par leur mari (laquelle touchera la pension de reversion, elle) ou suite à des violences conjugales qui les ont, enfin, décidé à partir. (...)
Est-ce que le fait de vouloir concilier vie professionnelle et maternité doit condamner à la pauvreté, et rendre les femmes âgées dépendantes de l’aide sociale, des restaurants du cœur ou de leurs enfants qui paieront pour leur survie (c’est déjà un phénomène loin d’être exceptionnel) ? Ou de leur mari qu’elles ne pourront pas quitter sans la certitude de se retrouver à la rue sans avoir même de quoi se loger ?
Est-ce que le fait d’être mère, outre l’attention de tous les instants que cela demande (d’autres diraient « charge mentale ») s’accompagnera désormais d’une projection désespérante de son avenir, qui va s’ajouter à tous les plafonds de verre qu’une femme rencontre sur sa route ?
C’est cela, que j’appelle « maltraitance institutionnelle faite aux femmes » dans ce projet de réforme : mais je pourrais dire aussi « Violence d’État faite aux femmes ».
Alors, en plus de toutes les raisons que nous avons, tous, de nous opposer à ce projet néolibéral destructeur de nos acquis sociaux et d’un système juste, se rajoute pour nous, les femmes, filles, mères ou grand-mères, celle-ci : la défense d’une maternité qui ne soit ni un handicap social et professionnel, ni un handicap pour notre retraite.
C’est pour cela que je propose la grève des mères.
En effet que font-elles les mères, le mercredi, le soir en sortant assez tôt pour aller chercher les enfants, ou lorsqu’elles arrêtent de travailler quand leurs enfants sont jeunes, bref, quand elles se préparent une retraite minable ?
Elles s’occupent des enfants. Elles ne s’amusent pas : elles bossent, bénévolement. Et cela permet souvent à leur conjoint de ne pas avoir à faire de choix professionnels difficiles (...)
Et ce travail, qui ne constitue rien moins que d’accompagner l’avenir de la Nation, entraînerait encore plus de handicaps financiers avec le projet de futur retraite à points que ce n’est le cas actuellement ? C’est impensable de laisser faire cela !
Alors comment faire ?
La grève des mères consisterait par exemple, pour une journée, à cesser de s’occuper des enfants et de toutes les tâches qui incombent traditionnellement aux femmes. Un mercredi conviendrait bien, on comprend pourquoi...
Cela veut dire pas d’accompagnements à l’école, ni au judo, ni chez l’orthophoniste, ni à toute activité extra-scolaire, pas de repas, pas de courses familiales, pas de lavage de linge : la grève, quoi.
Et, bien sûr, manifestations, pétitions, participation avec les autres manifestants aux actions contre le projet de réforme. Mais aussi réunions pour inventer de nouvelles formes d’action, sorties entre filles, loisirs divers… Puisque l’État semble considérer qu’être mère c’est être en vacances, et qu’il faut payer ces vacances un jour, autant en profiter…
À celles qui sont dans des environnements où le partage des tâches n’est pas à l’ordre du jour, je comprends bien qu’il va falloir un minimum d’organisation. Mais il va s’agir de déléguer, pas de faire tout à l’avance (les menus préparés dans le frigo pour « quand je ferai la grève des mamans » ce n’est peut-être pas très opérationnel). Une grève qui ne dérange pas ne sert à rien.
Mais on comprend qu’il est important de ne pas laisser le petit dernier tout seul pendant qu’on va battre le pavé, ni de mettre sa vie privée en charpie. A chacune de voir comment s’organiser, ou pas…
En revanche, une grève des mères doit inclure aussi les grands-mères, les filles pas encore mères, les femmes qui ne le seront peut-être jamais, et les hommes, bien sûr. D’abord à cause de la solidarité, que les gouvernements néolibéraux font tout pour détruire mais qui est à la base de notre vie en commun et que les grévistes et les manifestants sont en train de redécouvrir.
Mais aussi, prosaïquement, parce que chacun y a intérêt (...)
L’heure est grave, il est important de montrer notre détermination. Toutes ensemble.
On peut commencer par un jour de grève, mais le gouvernement devrait se méfier : on pourrait y prendre goût !