
En 40 ans, deux tiers des maternités françaises ont disparus alors que le taux de fécondité se maintient au plus haut niveau européen avec près de 820 000 naissances par an. Quelles motivations entraînent ce mouvement qui semble s’imposer dans le débat publique et dans le discours politique comme inéluctable ?
Une des inquiétudes importantes portée par le mouvement social actuel, de nombreux professionnels de santé et les élus locaux, est la fracture territoriale observée dans l’accès aux services publics. L’exemple des maternités est un cas concret qui interpelle. (...)
En écoutant ou lisant les différentes interventions de Mme la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, je retrouve les mêmes éléments de langages, la même doctrine mettant en avant l’impératif de sécurité comme explication de ces fermetures de maternité. En allant un peu plus loin j’ai pu constater que ce discours était calqué pratiquement mot pour mot sur le dernier rapport de la cour des comptes sur la situation des maternités et de la périnatalité en France de 2014. (...)
tout est abordé dans ce rapport, mais les préconisations et conclusions faites sont extrêmement orientées, à la limite de l’honnêteté intellectuelle… J’ai aussi été surpris par la pauvreté des questions posées sur ce rapport par la commission du Sénat dirigée par M.Jean-Marie VANLERENBERGHE, le 21 janvier 2015. (...)
la politique de restructuration massive des maternités en France n’a pas amélioré les résultats de notre pays en terme de périnatalité, elle les a aggravée. (...)
Les maternités, à l’instar de nombreux hôpitaux en France, sont endettées. Cette situation explique une partie de la fermeture de celles-ci ou tout du moins les politiques de restrictions budgétaires et de rationalisation du personnel. Or dans son rapport, la cour des comptes nous explique comment l’État a organisé l’endettement de ses maternités lors de la mise en place de la tarification à l’activité en 2005 pour les établissements privés et en 2008 pour les établissements publics, (...)
alors que la prise en charge des soins liés à la maternité est à 100 %, l’État fixe lui même des tarifs inférieurs aux coûts engendrés entraînant l’endettement des maternités et justifiant les efforts demandés au personnel et la dégradation des conditions d’accueil et de soin pour les futurs parents. Les maternités privées à but lucratif, constatant cette situation, ont massivement fermé elles aussi depuis cette réforme, faute de rentabilité. (...)
seuil des 300 accouchements est un levier pour les maternités destiné à faire pression sur les équipes de soignants pour accepter la dégradation de leurs conditions de travail (diminution des effectifs, non respect du travail à temps partiel…). Or comme l’indique le rapport de la cour des comptes dans la note de bas de page 40, si ce seuil a été établi sur le principe selon lequel une activité trop faible ne permet pas aux équipes la pratique nécessaire à la sécurité des soins pour faire face à un incident au cours de l’accouchement, il « ne paraît avoir fait l’objet d’aucune étude spécifique lors de sa fixation ».
Ainsi, ce seuil des 300 accouchements me paraît relever avant tout d’un seuil destiné à réaliser des économies budgétaires à court terme et d’un outils destiné aux équipes de direction des maternités leur permettant de demander des efforts à leur personnel en plaçant une épée de Damoclès avec la menace de fermeture. (...)
Il paraît en effet incompréhensible que l’on ferme une maternité, entraînant des réaffectations de personnel qui voient leur vie chamboulée, et toute une population privée d’un service public de proximité parce que parmi les 4381 gynécologues obstétriciens, la maternité de Bernay n’a pas réussi à en attirer 2 ?
Enfin, comme le rappelle le rapport de la cours des compte, il semble que la prise en charge du suivi gynécologique et des grossesses soit mal réparti. Un rééquilibrage en fonction des compétences de chacun (gynécologues obstétriciens, gynécologues médicaux et sage-femme libérales) semble nécessaire et permettrait des économies. (...)
La fermeture des maternités pose la question des temps de trajets accrus pour une partie de la population, privée de ce service public de proximité. (...)
La question des risques liés à l’éloignement ne semble pas être une priorité des gouvernements. La première recommandation de la cour des comptes est « réaliser une enquête épidémiologique pour préciser la relation entre l’éloignement des parturientes des maternités et les résultats de périnatalité » Or, depuis 2014 aucune enquête de grande ampleur n’a été réalisée. (...)
« Pour des temps supérieurs à 45 minutes, les taux bruts de mortinatalité passent de 0,46 % à 0,86 % et ceux de la mortalité périnatale de 0,64 % à 1,07 % (…) Nos résultats montrent qu’en Bourgogne, la durée du trajet à la maternité la plus proche a un impact sur la santé périnatale »
Ainsi l’État doit prendre ses responsabilités concernant les risques qu’il fait prendre aux femmes des territoires isolés et approfondir les recherches effectuées en Bourgogne. (...)
à travers la lecture critique de ce rapport de la cour des comptes, il m’apparaît que l’évaluation faite de la situation des maternités en France est marquée par une doctrine visant à fermer massivement des maternités par soucis d’économies budgétaires au détriment de la santé des mamans et des nouveaux nés. Aucune mention n’est faite concernant la dégradation des conditions de travail des soignants ou le ressenti des patientes. L’humain semble ici peut important au regard des économies substantielles réalisables. Ce qui est le plus troublant, c’est que les études sérieuses sont citées dans ce rapport mais leur interprétation est extrêmement orientée. (...)