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La dissuasion par la noyade : l’Europe forteresse et ses cimetières marins
Article mis en ligne le 12 mars 2014

« La garde de frontières ne peut pas se faire sans pertes et pour que je me fasse bien comprendre, elle ne peut pas se faire sans qu’il y ait de morts. »
Thanassis Plevris, conseiller du ministère grec de la Santé, cadre du parti Nouvelle Démocratie

« Cela a été la pire image de ma vie. J’ai vu mon bébé se noyer et il me regardait. Il continuait à me regarder jusqu’à ce qu’il disparaisse dans l’eau. »
Ehsanullah Safi, réfugié afghan, rescapé du naufrage du 19/1/14 à Farmakonisi

En novembre 2012 déjà, Giusi Nicolini, la maire de Lampedusa, avait lancé ce terrible appel : « Je suis scandalisée par le silence de l’Europe, qui vient de recevoir le prix Nobel de la paix, face à une tragédie qui fait des milliers de victimes, atteignant les chiffres d’une véritable guerre (…)

Quand on sait que pour ces personnes, la traversée en bateau est la dernière lueur d’espoir, alors je dis que leur mort est une honte et un déshonneur pour l’Europe. » La même se disait « de plus en plus convaincue que la politique d’immigration européenne considère ce bilan de vies humaines comme un moyen de modération du flux migratoire, sinon comme moyen de dissuasion » [1]. La preuve incontestable du bien-fondé de cette hypothèse sinistre fut apportée la nuit du 19 au 20 janvier dernier en mer Egée, avec la noyade des douze femmes et enfants tout près de la côte grecque, à Farmakonisi. (...)

depuis des années, des organismes internationaux comme Pro Asyl et Amnesty International dénoncent une politique systématique de refoulement collectif et sans distinction aux frontières marines et terrestres de la Grèce avec la Turquie [5], pratique qui viole frontalement la Convention de 1951 de Genève sur l’asile.

Il s’agit de ce qu’on appelle les push-back operations, c’est-à-dire des opérations complètement illégales au regard du droit international pour les réfugiés. Que ce comportement criminel ne soit pas l’exception, mais plutôt la règle, est démontré par un documentaire de la Deutsche Welle, tourné en 2013, où l’on voit la garde côtière grecque menacer de mort, armes en main, les migrants interceptés. À un autre moment, sur la même vidéo, on aperçoit les garde-côtes tirer sur le moteur du bateau de migrants en poussant de cris triomphants « Tu les as eus, tu les as eus ! (“tu les as baisés” en traduction littérale) ». Lorsque les garde-côtes montent sur le bateau « suspect », ils distribuent généreusement aux alentours de coups de poing et de pied [6].

Tout cela n’est pas juste une dérive vers la barbarie des garde-côtes de leur propre initiative ; non pas qu’eux-mêmes soient exempts de responsabilités, loin de là. Mais il ne faut surtout pas négliger le fait qu’ils exécutent des ordres de leurs supérieurs, lesquels ne font que donner corps à la politique gouvernementale (...)