
Se retrouver dans un fichier créé pour les auteurs d’infractions sexuelles ? Non merci, répond Xavier Mathieu, poursuivi dans le cadre de la lutte syndicale. Son ADN, l’ancien porte-parole CGT des « Contis » veut bien le donner, mais par amour. Les juges, moins romantiques, le condamnent à 1 200 euros d’amende.
C’est grâce à « la solidarité ouvrière » que Xavier Mathieu, l’ancien porte-parole CGT des « Contis », pourra régler les 1 200 euros d’amende (plus 120 euros de frais) auxquels l’a condamné, vendredi, la cour d’appel d’Amiens, pour refus de prélèvement d’ADN. Presque autant que les 1 500 euros demandés à l’audience par le parquet, le représentant du ministère, début janvier.
En 2002, plus de 2 000 personnes étaient enregistrées au Fnaeg, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques. Dix ans plus tard, elles sont plus d’1,7 million, dont plus d’un million de simples suspects. Chaque jour se créent mille nouvelles fiches. (...)
« Les premiers juges avaient fait un effort de compréhension du contexte, Xavier Mathieu étant un militant du combat social, poursuit Pascal Moussy. Pour la cour d’appel, en revanche, se battre dans le cadre du combat social est un acte de délinquance comme un autre… » (...)
À son procès en appel, Xavier Mathieu a quitté le terrain du droit pour « parler d’honneur, de dignité d’homme, de parole donnée, de mémoire ». De la mémoire, Matthieu Bonduelle en a aussi. Le président du Syndicat de la magistrature rappelle que l’histoire du fichage ADN est celle « d’un dévoiement ». (...)
Ce n’est pas courant pour un magistrat de témoigner à la barre. Mais, s’explique Matthieu Bonduelle, le fichage ADN « questionne les magistrats que nous sommes et les automates que nous ne sommes pas ». (...)
« Faut-il ficher toute la population dès la naissance ? » En filigrane, c’est finalement la question qui se pose, selon Matthieu Bonduelle. (...)
Xavier Mathieu se fait historien : « On est en droit de se poser la question de ce genre de fichiers, qui existait entre 1940 et 1945, pour les Juifs, les homosexuels, les Tziganes. » Si on fiche les nouveaux-nés, « le taux d’élucidation grimpera un peu mais on ne sera plus en démocratie », imagine Mathieu Bonduelle. Alors que le droit ne manque déjà pas de ressources pour atteindre l’équilibre entre la recherche du coupable et le respect de la liberté.
(...)