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La Ruche : le squat qui accueille des réfugiés mineurs
Article mis en ligne le 18 novembre 2017

La Ruche, immeuble à l’abandon réquisitionné par cinq étudiants, accueille des mineurs en exil. Le 9 octobre 2017, le tribunal administratif s’est prononcé pour l’expulsion de tous les occupants du squat. Un accord avec Jean-Baptiste Fauroux, directeur général des services de la région Nouvelle-Aquitaine, les autorise toutefois à rester jusqu’en juillet 2018.

La façade noircie du 51 rue du Mirail n’attire pas le regard. Une porte d’entrée condamnée par un mur de parpaings recouvert de graffitis, un lourd portail vert fermé à clef, rien ne laisse penser que 16 personnes vivent dans ces murs. Rien ; si ce n’est la fenêtre du premier étage largement ouverte et la paire de baskets qui aère sur le rebord. Abandonné depuis sept ans, l’immeuble attenant au lycée Montaigne était autrefois le logement du CPE.

L’histoire de La Ruche commence entre cinq copains de classe préparatoire Lettres et Sciences Sociales du lycée Montaigne. Mathilde, Luna, Sébastien, Gurval, et Cata accueillent dans un premier temps des mineurs isolés dans leurs appartements respectifs. Mais tous les cinq souhaitent vivre différemment. « D’une manière plus saine », selon les mots de Gurval, qui qualifie le prix des loyers de « racket ». Pour eux la solution serait de vivre en squat, moyen de « remettre en cause la propriété privée exclusive ». Mais aussi de « mettre en place des solutions alternatives », à l’accueil des mineurs non accompagnés par exemple.

Immédiatement ils pensent au bâtiment abandonné qui jouxte leur ancien établissement. Habitués des lieux, les cinq étudiants s’en emparent et font constater l’occupation deux semaines plus tard. Les mineurs hébergés chez eux les accompagnent et s’installent à ce qu’ils appellent désormais La Ruche.

Les étudiants décident d’occuper une partie des 240 mètres carrés et de consacrer le reste à l’accueil de réfugiés. Mais les places sont comptées, 15 au maximum. D’un commun accord ils décident de réserver ce lieu aux mineurs isolés étrangers.

Des services d’accueil débordés

Ils sont 900 à s’être présentés au Service d’accueil et d’évaluation des mineurs non accompagnés (SAEMNA), soit une hausse de 350% en deux ans. Si le SAEMNA valide leur minorité un hébergement doit leur être trouvé. Problème, en Gironde l’accueil est calibré pour 110 personnes. Pas étonnant donc, pour Gurval, si huit fois sur dix les jeunes non accompagnés sont considérés comme majeurs.

Le SAEMNA ne prend pas en compte les actes de naissance des pays africains. L’âge des réfugiés est évalué à la suite d’une batterie de tests. Les jeunes doivent répondre à des questions sur leur vie, leur parcours migratoire, leur famille. Ils reçoivent par la suite un courrier qui confirme, ou non, leur minorité.

Si la minorité du jeune n’est pas validée, un recours devant le juge est possible. L’Association solidarité avec tous les immigrés (ASTI) accompagne les réfugiés qui ne sont pas évalués mineurs dans ces démarches. Située non loin de la rue du Mirail, l’association est en relation constante avec La Ruche. Elle peut contacter les ex étudiants du Lycée Montaigne pour solliciter l’accueil d’un mineur isolé étranger. Libre ensuite aux occupants d’accepter, ou non, selon la place disponible. (...)

Un peu de répit

La Ruche est une oasis de repos dans un voyage exténuant. Les mineurs qui y sont présents ont souvent quitté leur terre depuis plusieurs années. Ils ont traversé de nombreux pays, et une mer, la Méditerranée. (...)

La solidarité mise en place à La Ruche aide ces réfugiés mineurs à se reconstruire. Les jeunes peuvent prendre des cours de français et de mathématiques grâce à l’association Le Tremplin. Cissé, lui, a pu s’inscrire au club de foot de l’union Saint-Bruno où il joue en régionale 4.

Les occupants de La Ruche donnent aussi en retour. Tous les mercredis et samedis, les habitants du 51 rue du Mirail font à manger rue Sainte-Catherine pour ce qu’ils appellent « les tablées ». En témoigne les piles de cartons remplis de couverts en plastiques qui assombrissent l’allée se trouvant derrière le portail d’entrée. Ainsi, chaque semaine, étudiants et réfugiés cuisinent ensemble pour qui a faim.

Un fonctionnement horizontal

Dans les 240 mètres carrés du squat pas de hiérarchie. Tout le monde est égal. Les décisions sont prises en concertation avec tous les habitants, peu importe leur durée de passage. Une feuille accrochée au mur du salon répartie les tâches entre les 16 occupants. (...)

Pour Mathilde, il serait stupide de fonctionner autrement, « nous n’avons pas une relation parent-enfant, les mineurs qui viennent ici ont presque le même âge que nous, on ne va pas les engueuler pour qu’ils respectent des règles ».

Des règles il y en quand même quelques unes, « il ne faut pas fumer dedans, seulement au 3ème étage, il faut respecter la répartition des tâches » explique Baba qui devra nettoyer la salle de bain le lendemain. « C’est tout le temps moi qui fait à manger pourtant », blague Cissé, Baba de lui répondre « C’est normal c’est toi le meilleur cuisinier ! »

Luna rigole, « ici on mange tout le temps ». La nourriture est partout dans la cuisine. Ici des cagettes de poireaux, là du raisin assailli par des moucherons, et du riz, beaucoup de riz. La nourriture provient de dons ou de la récupération au marché des Capucins.

Mathilde, Luna, Gurval, Sébastien, et Cata ne se considèrent pas comme les gérants du squat. Pourtant c’est bien eux qui s’assurent que les étudiants aillent à l’école, ou à leurs rendez-vous administratifs. Pour Cissé leur présence est indispensable, « comme ils sont là il n’y a pas de bagarres, c’est un peu nos tontons et tatas », conclut le jeune Ivoirien.