
Ghizlane et sa famille habitent en face de la New Jungle. Lassée par cette « psychose » instaurée par certains de ses voisins, elle témoigne de son quotidien avec les migrants.
Elle n’est pas en colère donc ne verra pas taper à sa porte quelques personnes masquées venir l’utiliser pour leur propagande et faire un barbecue dans son jardin. Elle n’est ni militante ni membre d’une quelconque association. Ghizlane est juste une mère de quatre enfants vivant avec son mari en face de la New Jungle. La Calaisienne en a plus qu’assez de toute cette « psychose » et de toute cette haine déversée - notamment de la part de personnes ne vivant pas à proximité de la Jungle-, à l’encontre des migrants. Ses « voisins », comme les appellent ses deux petites filles de trois et cinq ans ou encore « les malheureux » comme les nomment ses deux enfants plus âgés.
« Agacée », elle tient elle aussi à raconter son quotidien. Un témoignage dont on est sûr qu’il ne sera pas partagé sur les réseaux sociaux par les fans des sites de cette extrême-droite qui lui fait tant peur : « Des migrants se sont fait agresser dans ma rue récemment. J’ai peur que leurs agresseurs s’en prennent à moi ou à ma famille ». Quelques pneus de sa voiture crevés régulièrement prouvent que sa façon de voir les choses n’est pas la bienvenue dans le quartier ni dans la ville... D’où sa volonté de ne pas témoigner à visage découvert pour préserver son anonymat. (...)
contrairement à certains de ses voisins, elle a su faire face à ses peurs et vaincre les préjugés - comme le conseillait encore récemment Monseigneur Jaeger-, pour apprendre à mieux connaître ce voisinage qui dérange tant. Pour ce faire, Ghizlane a tout simplement appliqué ces règles de savoir-vivre qui s’appliquent lors de toute rencontre avec un être humain : « Tout est une question de respect, affirme-t-elle. Si on les respecte, ils nous respectent. Un sourire, un petit mot amical, un geste de sympathie... ça ne coûte rien ».
Ghizlane voit régulièrement des petits groupes de migrants venir près de chez elle : « On prend le temps de discuter, je leur offre le café ou je leur permets d’utiliser mon wifi pour qu’ils puissent communiquer via Skype. Parfois, ils m’invitent à venir prendre le thé dans la Jungle ». La riveraine de la Jungle a imposé ses règles : « Personne ne rentre chez moi. Tous l’ont bien compris. Jamais ils ne frappent à ma porte et je n’ai jamais eu d’intrusion dans ma propriété ».
Et Ghizlane de certifier : « Je peux laisser le coffre de ma voiture ouverte le temps de décharger mes courses ; jamais on ne m’a volé quelque chose. La voiture de mon mari a la vitre arrière cassée depuis quelques jours et personne n’a fouillé à l’intérieur ».
Elle affirme même que « la présence des migrants la rassure ». (...)
Ghizlane explique ce comportement par le fait que les migrants l’ont prise en affection, elle et sa famille : « Peu de monde leur montre ne serait-ce qu’une once de sympathie. Alors, quand ils voient un visage amical, ils font en sorte de garder cette amitié et cette confiance ». Depuis neuf mois qu’elle vit près de la New Jungle, Ghizlane n’a plus peur des migrants. Elle a appris à cohabiter avec eux, à les connaître et à les soutenir. Régulièrement, la Calaisienne se rend dans la Jungle avec ses enfants « en toute sérénité » et est « accueillie très chaleureusement ».
Ghizlane sait très bien qu’elle ne fera pas changer d’opinion ses voisins de quartier mais elle souhaite néanmoins qu’on « arrête de montrer que le mauvais côté de cette situation et de donner une mauvaise image de toutes ces personnes. La situation n’est pas près de changer alors si chacun faisait comme nous et essayait de vivre en paix avec eux et si les gens arrêtaient d’être contre eux, tout le monde vivrait mieux et y trouverait son compte ».