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l’Express
La France protège-t-elle suffisamment les lanceurs d’alerte ?
Article mis en ligne le 16 septembre 2019

La première organisation en France dédiée à l’accompagnement des lanceurs d’alerte a déjà été sollicitée depuis sa création par 70 personnes.

Edward Snowden va-t-il obtenir l’asile en France ? Le célèbre lanceur d’alerte américain, accueilli en Russie depuis six ans, a déclaré qu’il "aimerait beaucoup qu’Emmanuel Macron lui accorde le droit d’asile", dans une interview diffusée ce lundi sur France Inter. Edward Snowden avait déjà demandé l’asile en France en 2013, sous François Hollande, mais les autorités lui avaient alors refusé. Depuis 2013, la législation française a beaucoup évolué sur le statut des lanceurs d’alerte. (...)

On peut dire qu’aujourd’hui tout n’est pas fait encore, mais la prise de conscience est là, et les dispositifs sont mis en oeuvre", assure à L’Express Virginie Bensoussan-Brulé, avocate au cabinet Lexing, qui accompagne les entreprises dans leur mise en conformité avec la loi.

"Tous les grands groupes français sont en conformité aujourd’hui avec la loi, en revanche c’est plus compliqué pour les PME qui font tout juste 50 salariés" et qui peinent davantage avec le mille-feuille juridique, complète Virginie Bensoussan-Brulé.

La bonne application de la loi serait telle que des grandes entreprises ont passé des contrats avec des prestataires pour recueillir les informations des lanceurs d’alerte potentiels. Ces hotlines sont joignables 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, et se chargent ensuite de transmettre à la direction l’alerte donnée par le salarié. (...)

Il est très difficile d’estimer le nombre de lanceurs d’alerte en France. "Certains ne veulent pas révéler leur identité, ou bien ne se revendiquent pas comme tel", note Jean-Philippe Foegle, coordinateur de la Maison des lanceurs d’alerte (MLA). (...)

Le Défenseur des droits, qui peut également être saisi par les lanceurs d’alerte, a lui enregistré 155 dossiers en 2017 et 2018, d’après son dernier rapport d’activité. (...)

Malgré un manque de recul et de jurisprudences depuis la mise en oeuvre de la loi Sapin II, la majorité des décisions de justice rendues ont été plutôt favorables aux lanceurs d’alerte. (...)

Mais, si la loi Sapin II "a le mérite d’exister" selon Jean-Philippe Foegle, elle comporte quelques défauts qui ne protègent pas assez les lanceurs d’alerte. "La loi exige d’alerter d’abord sa hiérarchie : ça revient à se jeter dans la gueule du loup ! Car bien souvent, la hiérarchie est impliquée dans les faits dénoncés par le salarié. Et cela crée en plus un risque de destruction de preuve", explique-t-il. En effet, ce n’est seulement qu’en cas d’absence de réaction de la direction que le lanceur d’alerte peut prévenir la justice puis, dans un troisième temps, rendre publique son alerte. (...)

À ce jour, il y aurait une dizaine de procès de lanceurs d’alerte, estime la MLA. Mais là encore, difficile de connaître précisément le chiffre, certains lanceurs d’alerte souhaitant préserver leur anonymat. Mais certains procès deviennent très médiatisés, comme celui de l’affaire Tefal. Laura Pfeiffer, condamnée en 2016 pour "violation du secret professionnel" après avoir révélé un accord sur le temps de travail, était de retour au tribunal ce mois-ci : sa peine a en effet été annulée par la Cour de cassation et l’affaire doit désormais être rejugée au regard de la loi Sapin II.

Edward Snowden peut-il bénéficier du statut de lanceur d’alerte en France ?

"Il n’y a pas de statut de lanceur d’alerte en droit d’asile. Et le gouvernement n’a pas de politique proactive en la matière pour les accueillir", assure Jean-Philippe Foegle. Alors si Edward Snowden demande le droit d’asile en France comme il en a exprimé la volonté, il devra le faire comme n’importe quel autre réfugié. Ni sa notoriété internationale, ni son statut de lanceur d’alerte, ne devraient le favoriser. (...)

En revanche, une directive européenne a été adoptée en avril dernier, afin de protéger les lanceurs d’alerte dans l’ensemble des pays de l’UE. Mais cette directive doit encore être transposée en droit français. Une procédure qui pourrait prendre jusqu’à deux ans.