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le Figaro
La France pourrait bientôt ne plus avoir le droit de délivrer des mandats d’arrêt européens
Article mis en ligne le 28 novembre 2019

L’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne estime que les garanties d’indépendance du procureur français sont insuffisantes pour accomplir un tel acte.

Sur la corde raide. Concernant l’indépendance du procureur de la République, la France avait jusque-là fermé les yeux, jusqu’au déni. La Cour de justice de l’Union européenne va peut-être l’obliger à les rouvrir malgré elle.

En effet, mardi, Manuel Campos Sanchez-Bordona, avocat général de cette juridiction, a donné ses conclusions concernant la validité du mandat d’arrêt européen délivré par les autorités françaises. « L’autorité judiciaire, qui émet un mandat d’arrêt européen doit être pleinement indépendante et ne doit pas être soumise à des liens hiérarchiques, des ordres ou des instructions », affirme-t-il.
L’indépendance du procureur en question

Jusque-là, la France avait argué que l’article 30 de la loi du 15 août 2013, qui supprime les instructions orales venant de l’exécutif, réglait la question et témoignait de l’indépendance du procureur français.

L’argument est désormais intenable pour l’avocat général de la Cour de Luxembourg, qui relève que si « le ministère public français n’est plus soumis aux éventuelles instructions individuelles du pouvoir exécutif,le ministre de la Justice peut continuer à lui donner des instructions générales. D’autre part, la structure hiérarchique caractéristique du parquet suppose une subordination à des supérieurs hiérarchiques ».
Tous les mandats d’arrêt potentiellement annulés

Si, dans quelques semaines, la cour de justice du Luxembourg suit les conclusions de son avocat général, tous les mandats d’arrêt européens délivrés par la France seraient annulés - entre une dizaine et une vingtaine - et les personnes incarcérées seraient libérées. Il serait aussi impossible de délivrer de nouveaux mandats d’arrêt européens. (...)

En mai dernier, c’est l’Allemagne qui a dû se mettre en conformité avec le droit de l’Union après que la Cour a jugé que son procureur n’était pas indépendant. Pas moins de trois arrêts se sont en effet succédé en quelques mois. La Lituanie et l’Autriche ont échappé à la censure car ces pays disposent, respectivement, d’une validation du mandat d’arrêt par un juge indépendant et d’une garantie d’indépendance constitutionnelle.

Mais cette jurisprudence a donné des idées à d’autres pays en Europe - en l’occurrence aux autorités hollandaises et suédoises - pour reposer la question du parquet à la française, désormais sur le gril. Mieux encore, la Cour d’appel d’Aix vient, elle aussi, d’adresser un recours auprès des juges de la cour de justice de l’Union européenne pour juger de la question. (...)

Plus intéressant encore, l’autorité judiciaire britannique a reporté sine l’audience qui devait avoir lieu la semaine prochaine concernant la validité du mandat d’arrêt européen pour Alexandre Djouhri (affaire libyenne ) « en raison d’une question juridique complexe et nouvelle ». En attendant, sans doute, la décision de la Cour de Luxembourg. (...)

Si la Cour de justice suit son avocat général, le législateur pourra toujours transférer ce pouvoir d’émission du mandat d’arrêt européen au juge de la liberté et de la détention.

Mais il reste un point épineux : celui des représentants en France du futur procureur européen, qui devraient être issus du parquet national financier. (...)