
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné, jeudi 3 novembre, la France pour les viols et agressions sexuelles subis par une enfant placée en famille d’accueil par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Les faits remontent aux années 1970 et 1980. France L., placée dès l’âge de 5 ans dans une famille de membres des Témoins de Jéhovah par l’ASE de Tarn-et-Garonne, subit des viols et des agressions sexuelles sur une période de treize ans, entre 1976 et 1988, commis par le père de la famille d’accueil. Celui-ci a reconnu une partie des faits dénoncés.
Dans sa décision, la Cour estime que les autorités françaises « n’ont pas mis en œuvre les mesures préventives de détection des risques de mauvais traitements prévues par les textes ». La France est condamnée à verser 55 000 euros à la requérante en réparation du « dommage moral », une somme particulièrement élevée au regard de la jurisprudence de la CEDH.
Cette décision a été accueillie comme « un grand soulagement » par France L. « C’est l’aboutissement du combat de toute une vie », a-t-elle réagi, satisfaite de voir reconnues les « injustices » dont elle a « été victime », mais se disant « encore hantée » pas les « abus et viols subis ». « Bien qu’aucune réparation pécuniaire ne saurait être à la hauteur du préjudice subi, cette décision a une valeur morale forte et importante », a commenté son avocate, Fatou Babou. (...)
« Il y a eu une carence manifeste dans le suivi régulier tel que prévu par les dispositions légales alors en vigueur », note la cour.
Les juges européens déplorent également que les responsables de l’ASE n’ont pas « mis en œuvre les mesures nécessaires » pour faire respecter la « clause de neutralité religieuse » que la famille d’accueil devait observer. Celle-ci faisait participer l’enfant à ses activités religieuses, alors même que la famille d’origine de l’enfant était de confession musulmane. Informée de cette situation, l’ASE n’avait alors pris aucune mesure.
Enfin, ils donnent tort aux juridictions administratives françaises, qui, en rejetant le recours en indemnisation mené par l’enfant devenue adulte, ont fait preuve « d’un formalisme excessif ». Les juridictions administratives avaient notamment estimé que le délai de prescription était dépassé avant même que la plaignante ne puisse accéder aux « pièces de son dossier de placement ».
La CEDH condamne la France pour violation des articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 9 (liberté de religion) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme.