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La France a été épinglée par le Conseil de l’Europe pour ne pas avoir défini un âge de non-consentement sexuel.
Article mis en ligne le 6 décembre 2020

33 associations se mobilisent pour dénoncer ce manquement, alors qu’un rapport sur la loi Schiappa va être rendu.

La question revient régulièrement via des affaires scandaleuses : y a-t-il un seuil d’âge pour le consentement sexuel ? "Il en faut un, et vite !", répond le Collectif pour l’enfance, un consortium de 33 associations de défense des droits de l’enfant qui se mobilisent pour que cet âge soit gravé dans les textes. Actuellement, rien n’est écrit à ce sujet dans la loi dite Schiappa sur les violences sexuelles, établie en 2018. Un rapport d’évaluation du texte doit être rendu ce vendredi 4 décembre 2020 ; il est présenté par la députée LREM Alexandra Louis, qui avait défendu la loi devant le Parlement en 2018.

La mobilisation de 33 associations pour faire changer cette loi est une union absolument inédite. "Notre droit est défaillant, et notre système juridique participe à ne pas assurer la protection des enfants. La loi Schiappa n’apporte à cet égard aucune garantie supplémentaire", explique Pascal Cussigh, avocat et membre du collectif. Aujourd’hui, en France, la police et de la gendarmerie estiment qu’une ouverture de procédure pour viol ou tentative de viol sur mineur est faite toutes les heures en moyenne, soit une vingtaine par jour.
"En dessous de 15 ans, on ne consent pas"

Pourquoi vouloir statuer sur un âge seuil, en dessous duquel on ne consent pas, et comment cela se traduirait-il ? Le collectif d’associations souhaite que la loi indique qu’en dessous de 15 ans, il est impossible qu’un enfant consente à un acte sexuel. Selon lui, cet âge devrait être élevé à 18 ans pour les incestes, qui concerneraient 3 cas de violences sur enfants sur 4, selon Pascal Cussigh. Cela signifierait "qu’en dessous de 15 ans, la contrainte n’a pas à être examinée". Cet âge clair permettrait d’éviter une correctionnalisation (c’est-à-dire un traitement au tribunal correctionnel) des viols, qui sont des crimes et sont donc jugés par une Cour d’assises.

Pourquoi l’âge de 15 ans ? Pour l’instant, une croyance populaire persiste à dire que la majorité sexuelle serait atteinte à 15 ans selon la loi. Ce qui est faux. Si cet âge est bien écrit, c’est dans l’article 227.25 du Code pénal, qui définit le régime de l’atteinte sexuelle et non une quelconque majorité. Aujourd’hui, lorsqu’un adulte commet des actes à caractère sexuel sur un enfant de moins de 15 ans, la loi ne considère pas systématiquement que c’est un viol, mais peut estimer qu’il s’agit simplement d’une atteinte sexuelle.

Il faut ensuite que la défense prouve que l’enfant n’était pas consentant. (...)

Le système est donc défaillant : l’absence d’indication quant à l’âge à partir duquel on peut consentir à une relation avec un adulte permet, dans certains procès, d’entendre que l’enfant a consenti.

Définir que c’est impossible en dessous de 15 ans corrigerait ce problème gravissime. (...)

"Attention, ce que nous demandons n’est absolument pas une présomption de culpabilité ! Cela n’enlève pas la nécessité de prouver la réalité de l’acte et l’intentionnalité ", précise Pascal Cussigh, lui-même avocat et attaché à la présomption d’innocence.
La quasi-impunité actuelle des pédocriminels

On l’aura compris : aujourd’hui, dans un procès de violences sexuelles sur enfant, la défense de la victime doit prouver qu’elle n’était pas consentante, alors que "c’est évident qu’un enfant ne consent pas", martèle Pascal Cussigh. Pour bien comprendre l’horreur des situations que cela entraîne, l’avocat évoque ces affaires de viols sur nourrissons, pour lesquelles le pénal n’indique jamais que ces bébés ont été contraints de fait. (...)

Le système actuel entraîne donc une quasi-impunité des auteurs de violences sexuelles sur mineurs. Marlène Schiapa l’avait elle-même reconnu lors des débats de 2018 sur son texte : il n’y a qu’entre 1 et 2% de condamnations dans les affaires de viols sur mineurs. Les associations considèrent que cette quasi-immunité provient des défaillances des textes et du système juridique en la matière. (...)

Avec des conséquences catastrophiques pour les victimes, à qui on dit qu’elles mentent quand elle expliquent n’avoir pas été d’accord, et dans les procès desquelles on retient la qualification supposant qu’elles étaient consentantes. Cette remise en cause de la parole des victimes s’accompagne non seulement d’agressions quasi-impunies, mais aussi de récidives, avec en prime une défense toute trouvée pour les agresseurs (...)

plus généralement, on adresse un message délétère à toute la société, en défendant un système où on n’encourt que 7 ans pour atteinte sexuelle contre 20 pour un viol.
À quand une véritable protection des mineurs ? (...)

33 associations qui font front commun, c’est rare, et les personnes défendant l’inacceptable sont aujourd’hui sous le feu des regards.