
Quatre manifestants sont morts jeudi 13 août, après la première journée de mobilisation contre la candidature à un troisième mandat du président Alassane Ouattara. Dans un éditorial, ce quotidien burkinabé voit dans le pays “un navire qui fonce tout droit vers les récifs”.
La Côte d’Ivoire s’achemine-t-elle vers un remake de la crise politique de 2010, qui a fait près de 3 000 morts, des centaines de milliers de blessés et autant d’exilés ? [Le président Laurent Gbagbo avait contesté la victoire d’Alassane Ouattara, reconnue par la communauté internationale].
En tout cas, depuis que le président Alassane Ouattara a annoncé dans son adresse à la nation, le 6 août dernier, veille de la fête de l’Indépendance, sa candidature à un troisième mandat, c’est le destin de toute la Côte d’Ivoire qui est en jeu. Il a beau se présenter comme étant candidat malgré lui, invoquant un cas de force majeure après la disparition, début juillet, d’Amadou Gon Coulibaly, son Premier ministre désigné dans un premier temps pour porter le maillot du parti au pouvoir à la présidentielle prochaine, cela n’a pas suffi pour calmer la colère de ses opposants, qui dénoncent un coup de force contre la Constitution.
En effet, l’article 55 de la loi fondamentale ivoirienne limite le nombre de mandats à deux. Mais pour les partisans du président sortant, la révision constitutionnelle intervenue en novembre 2016 remet à zéro les compteurs de leur champion et, par conséquent, rien ne l’empêche de briguer un “premier” mandat sous l’empire de la nouvelle loi fondamentale. Moins que cette guéguerre politico-juridique qui oppose les deux camps, c’est le bras-de-fer qui se joue à travers les rues qui soulève bien des inquiétudes.prix Sakharov en 2012 qui salue une personnalité engagée dans la défense des droits humains. (...)
Hier, aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur de toute la Côte d’Ivoire, de nombreuses manifestations ont été enregistrées, malgré l’interdiction de le faire sans une autorisation préfectorale. À l’appel des jeunes des principaux partis de l’opposition et de la société civile, des barricades ont été érigées sur des routes principales, des pneus ont été brûlés, et des saccages ont même eu lieu, notamment à Bonoua (ville de l’ex-première dame Simone Gbagbo, dont le commissariat de police a été incendié), à Daoukro [ville d’Henri Konan Bédié, ancien président et candidat à la présidentielle d’octobre 2020], à Port-Bouët et dans des quartiers d’Abidjan à l’image de Yopougon ou Cocody. Bilan officiel de cette journée chaude dans le pays, au moins quatre personnes tuées, de nombreux blessés et des interpellations.
À l’image donc d’un navire qui fonce tout droit sur des récifs, le pays d’Houphouët-Boigny [le père de l’indépendance qui dirigea la Côte d’Ivoire de 1960 à 1993] s’enlise peu à peu dans une autre crise politique à l’issue incertaine (...)
Pour une nation qui vient de sortir d’une première crise politique majeure, ce serait vraiment dommage que ses dirigeants n’en sachent pas tirer les enseignements nécessaires pour privilégier la paix et la concorde nationale.(...)
Lire aussi :
Hier des groupes proches de l’opposition avaient à nouveau appelé la société civile à protester dans tout le pays. Mais le gouvernement a dans la foulée interdit toute manifestation non autorisée. Résultat, la journée encore émaillée d’incidents, après ceux de mercredi et jeudi qui ont fait quatre morts.
Ils attendent au bord de la route en regardant les CRS postés non loin. Ces jeunes de Yopougon ont tenté de manifester, de bloquer la voie ou de brûler des pneus. Mais les forces de l’ordre les ont chaque fois dispersés. « On n’a pas encore marché. On le voulait, mais les policiers sont venus, nous ont poursuivis avec des grenades lacrymogènes. Ce pouvoir, c’est la dictature », proteste cet homme. « Normalement, le pouvoir est donné au peuple d’exprimer ce qu’il pense. On l’en empêche, est-ce que c’est démocratique ? », s’interroge un autre, quand un autre encore enchérit : « Le peuple a le droit de revendiquer ses droits. Si les gens ne sont pas pour ton 3e mandat, c’est à toi de leur expliquer en fonction de ce qui est dans la Constitution. »
La situation a toutefois dégénéré en affrontements avec la police ou des partisans du président Ouattara, faisant des victimes à Daoukro, où les sièges des PDCI et RHDP ont été saccagés et à Bonoua, où un commissariat a été incendié. Kobenan Kouassi Adjoumani, porte-parole du parti au pouvoir, lance un avertissement.(...)