
M. Macron a donc trouvé malin de traiter d’« Amish » les citoyennes et citoyens de plus en plus nombreux qui s’interrogent sur le sens de lancer une technologie dont on ne sait pas grand chose, juste parce qu’elle serait un « progrès ». « J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour expliquer qu’il nous faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile. Je ne crois pas au modèle amish, et je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine », a-t-il déclaré le 14 septembre. L’ancien banquier devenu président injurie les Amish, qu’il présente comme des demeurés, et injurie ceux qui posent des questions légitimes sur la 5G, mais qui ne promeuvent pas le mode de vie, au demeurant respectable, des Amish.
Face aux injures répétées proférées par ce monsieur qui rivalise avec M. Bolsonaro et M. Trump pour figurer dans le Guiness des records, catégorie « Président le plus nuisible », l’envie serait de répondre sur le même ton. Mais les écologistes ont préféré l’humour : « Nous sommes tous des Amish », proclament-ils. Nous nous éclairons à la bougie, je mange des pelures de carotte, M. Macron est un génie et M. Bezos un bienfaiteur de l’humanité.
Il y a aussi le mensonge. Les participants à la Convention citoyenne pour le climat avaient demandé d’« instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat ». Dans leur candeur, ils ont cru ce qu’on leur disait : vos propositions seront reprises « sans filtre ». Quelques jours après la clôture de la Convention, le gouvernement annonçait que la 5G serait lancée, comme prévu.
Injures, mensonges, mépris : voilà la devise de ce gouvernement.
Il faut venir au fond. Ces messieurs-dames veulent lancer la 5G. Mais dans l’ignorance à peu près totale des réponses aux questions légitimes que l’on se pose, et en masquant les enjeux que recouvre la 5G. Reporterre a posé dès juin 2019 les balises essentielles de ce débat par une grande enquête, qui a porté sur la place publique ce sujet qui avançait dans le secret des cabinets et des multinationales.
Des questions se posent sur l’effet sanitaire d’une généralisation des antennes nécessaires à la 5G et des nouvelles ondes électromagnétiques. S’il n’y a pas matière à lancer des alarmes inconsidérées, le manque d’études montre qu’il y a une grande incertitude scientifique. Avant tout déploiement, cette question doit trouver une réponse consensuelle.
Autre point majeur : la consommation d’énergie induite par le déploiement de la 5G et de ses usages. Il reste à évaluer précisément cette question (...)
Mais la 5G recouvre un enjeu encore plus large, que ses promoteurs maintiennent dans un flou artistique. La 5G n’est pas une simple amélioration de réseau. Elle est le vecteur d’un projet global visant à doter le maximum d’objets de capteurs permettant dans un flux incessant de données d’en recueillir les données pour les intégrer dans des systèmes de traitement d’information, ces objets pouvant être commandés à distance. C’est la fuite en avant vers l’« Internet des objets » (...)
On conviendra qu’on ne peut aller à la légère dans cette direction, qui engage les libertés, les modes de vie, la consommation d’énergie. (...)
la seule réponse à leur apporter aujourd’hui est : NON. Non à la 5G.
On réfléchit, on discute, on étudie, et c’est seulement au terme de ce processus, quand chacune et chacun sera informé et aura réfléchi, que l’on décidera. Tant que ce processus démocratique n’est pas arrivé à son terme, il ne peut être question d’accepter la mise en place d’éléments 5G, ni les enchères que veut lancer le gouvernement à la fin du mois.
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« Cela ressemble fort à un quatrième joker, regrette Grégoire Fraty, coprésident de l’association Les 150, qui regroupe les citoyens de la convention. Nous demandons le respect de la parole donnée et de la consultation citoyenne. » « C’est un pied de nez à nos mesures et à la démocratie », abonde Agnès Catoire, gestionnaire de paye qui vit dans le Val-de-Marne, rappelant que 98 % des citoyens de la convention ont voté pour cette proposition de moratoire. Les 150 Français tirés au sort ne sont « pas foncièrement contre la 5G, et certains parmi nous y sont favorables », assure-t-elle, mais ils demandent une étude d’impact sanitaire et environnemental avant d’accorder des licences. Deux organismes devraient s’en charger, l’Agence de la transition écologique, dont les conclusions sont attendues en novembre, et l’Agence nationale de sécurité sanitaire, qui rendra son expertise en mars 2021.
Pour l’un des garants de la convention, le réalisateur Cyril Dion, « cela signifie que le gouvernement ne mettra jamais la question climatique au premier plan face aux enjeux de compétitivité, que seules les propositions compatibles avec la “croissance verte” prônée par le premier ministre seront reprises ».
« Petites phrases »
L’inquiétude et l’incompréhension des citoyens, amplifiée par les accusations de reniement portées par les ONG, ne sont pas passées inaperçues au sommet de l’Etat. Mardi soir, Emmanuel Macron a répondu à la convention citoyenne, sur Twitter, que « la 5G sera déployée en pleine transparence, avec à chaque étape toutes les garanties environnementales et sanitaires », appelant à ne pas créer de « polémique ». Une « exigence » confirmée, dans la foulée, par la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, tandis que Cédric O s’engageait à rencontrer les citoyens de la convention.