Pour le Français, la concentration du capital favorise en réalité deux types de placements : soit patrimoniaux (à la recherche du risque zéro), soit extrêmement risqués (sur les marchés financiers à des taux usuriers) ; pas l’investissement productif de long terme. « La plupart des entreprises, sauf peut-être les sociétés familiales, décident d’abord la rémunération du capital, avant de s’intéresser à celle du travail », confirme Sergio Rossi, qui dirige la chaire de macroéconomie et d’économie monétaire à l’université de Fribourg. « Cela contribue à faire gonfler des bulles spéculatives dont l’éclatement porte atteinte à la stabilité financière et à la cohésion sociale. »
Et lorsque le débouché existe mais que l’entreprise est sous-capitalisée, elle se heurte à une barrière de plus en plus infranchissable : le « coût du capital ».
Beaucoup moins popularisé que le coût du travail, il grève pourtant de la même façon les comptes des entreprises. « Attention, il faut distinguer le capital immobilisé pour produire (amortissement) et le prix financier de ce capital, de même qu’il faut distinguer la rétribution légitime que peut exiger un prêteur, en termes de compensation du risque et d’organisation du prêt, et ce que l’on peut qualifier de ‘surcoût’, qui est de l’ordre de la rente », avertit Laurent Cordonnier.
Auteur d’un rapport pour le syndicat français CGT, le doyen de la faculté des sciences économiques et sociales de l’université de Lille 1 estime que ce « surcoût » sans rationalité économique représente entre 30% et 50% du coût des emprunts. Sergio Rossi a un autre étalon : « Le taux d’intérêt moyen versé aux propriétaires du capital, de manière générale, ne devrait pas dépasser le taux de croissance économique à long terme. »
Les deux experts se retrouvent pour dire que la financiarisation de l’économie, qui aurait dû, en théorie, faciliter la circulation du capital vers les entreprises et faire baisser les coûts par la concurrence, a conduit au phénomène inverse (...)