
(...) On a peu parlé du programme agricole après la victoire de Syriza aux élections législatives du 25 janvier en Grèce. Ce programme répond avant tout, comme les autres volets des propositions de ce parti, à l’urgence sociale d’un pays dévasté par le politiques austéritaires. (...)
Le programme agricole de Syriza est rarement évoqué. Pourtant, les paysans sont nombreux en Grèce : 12,5% de la population active, sans compter les innombrables pluriactifs. Les fermes sont majoritairement familiales et petites (4,5 ha en moyenne). Peu « compétitive » dans le marché unique européen, desservie par les orientations libérales de la Pac, la production agricole du pays s’est progressivement effondrée. Sa posture délicate s’est trouvée d’autant plus fragilisée par les politiques austéritaires de la Troïka.
Le « crédit agricole grec » a été cédé à des banques privées, diminuant drastiquement la possibilité des paysans d’emprunter, mettant en danger les très nombreuses hypothèques vendues à des fonds d’investissements internationaux. (...)
Par ailleurs, le gouvernement précédent avait opté pour une très forte taxation du carburant, générant une augmentation de 25% des coûts de production. (...)
Ajoutons que l’Etat a été déstructuré et dilapidé : les indemnisations n’ont pas été versées depuis 2012, les aides Pac ont été diminuées et les crises sanitaires n’ont pas été gérées, ce qui a décimé le cheptel. (...)
Le programme de Syriza répond donc d’abord à une urgence sociale
1). Mais cette urgence est reliée à une volonté de reconstruire la capacité productive du pays, en fonction des besoins de la société et dans une optique de souveraineté alimentaire.
La volonté d’aller vers une agriculture, un élevage et une pêche durables, des produits de qualité, sains et à prix accessibles, est affirmée. Cette reconstruction se fera dans le sens du soutien de l’emploi et du revenu agricole, de l’équilibre de la balance commerciale agroalimentaire, du développement rural et d’un aménagement du territoire harmonieux 2).
Pour se faire, d’un côté il est prévu de créer une banque publique de développement dédiée à l’agriculture, d’assainir les coopératives agricoles (qui ont été un des leviers majeurs de la corruption dans les territoires ruraux), de promouvoir les productions de qualité et bio, de soutenir les circuits courts.
Et de l’autre, de durcir les contrôles contre les pratiques commerciales illégales (comme le fait de « gréciser » des légumes ou des céréales) et les fraudes aux aides de la Pac. Est aussi préconisé d’attribuer les terres non exploitées ou les outils de transformation délaissés aux chômeurs ou à des collectifs qui souhaiteraient se lancer dans l’agriculture.
En ce qui concerne les migrants saisonniers – et plus largement les ouvriers agricoles – leurs droits seront sécurisés. Enfin, au niveau européen, Syriza s’engage à demander l’augmentation du budget agricole (qui a baissé de près de 20 % pour la Grèce), le recouplage des aides, le soutien aux petites et moyennes fermes, et la redistribution des ressources en faveur des produits méditerranéens (et non pour faire du coton irrigué dans le pays, ce qu’a promu la Pac pendant longtemps).
Ce programme électoral sera-t-il suivi ? Cela dépendra des marges budgétaires que le nouveau gouvernement pourra dégager auprès de ses créanciers. En tout cas, ce sera une expérience intéressante de réorientation globale de la politique agricole d’un pays au cœur de l’Europe, en faveur de sa petite et moyenne agriculture familiale, et contre les intérêts des banques et des oligopoles.