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L’ultradroite : cette menace qui couve
Article mis en ligne le 23 septembre 2021

Mardi 21 septembre, s’ouvre un procès inédit : un groupuscule terroriste lié à l’ultradroite est jugé pour « association de malfaiteurs terroriste ». Rassemblés au sein du mouvement OAS, les accusés projetaient des attaques contre des musulmans et des hommes politiques, dont Jean-Luc Mélenchon.

Il regrette. Prétend s’être « déradicalisé ». Il en veut pour preuve ses amitiés avec des détenus « arabes », notamment un certain « Mohamed », qui lui aurait sauvé la vie en prison. Logan Nisin s’exprime ainsi dans une lettre manuscrite, dont des extraits ont été publiés par Marianne quelques jours avant l’ouverture de son procès. Des regrets qui ressemblent à une opération de communication quelques jours avant sa présentation devant les juges.
La prison ou la mort

Car, d’après nos informations, celui qui les exprime a montré un tout autre visage lors de sa comparution devant le magistrat devant statuer – encore une fois – sur son maintien en détention. Une comparution, là aussi quelques jours avant son procès, au cours de laquelle Logan Nisin se serait montré virulent, aurait confirmé son engagement idéologique, voire une certaine fierté s’agissant de ses projets. Un revirement tel qu’un témoin de la scène en est sorti « impressionné par son attitude. Il s’agit clairement d’un personnage hors norme ».

Des changements de posture qui rappellent aussi étrangement ses premières heures de garde à vue. (...)

Logan Nisin, âgé aujourd’hui de 25 ans, est-il toujours habité par ces envies d’actions violentes qui le hantaient il y a quatre ans ? Le procès qui s’ouvre ce mardi devra répondre à cette interrogation et établir à quel degré d’implication et de détermination se trouvaient et se trouvent encore la petite dizaine de personnes mises en examen pour association de malfaiteurs terroriste, dont trois, mineures au moment des faits, seront jugées par un tribunal pour enfants.
La valise ou le cercueil

Avec ce groupe – cinq seront à ses côtés dans le box des accusés –, Logan Nisin avait créé, en novembre 2016, un genre de milice au nom évocateur : OAS, pour Organisation des armées sociales – en référence à l’Organisation armée secrète, qui a fait plus de 2 200 morts en Algérie et 71 morts en France en 1961 et 1962.

Comme une sorte de filiation avec cette organisation politico-militaire clandestine, l’OAS de 2017 a pour « raison sociale » d’« enclencher la remigration basée sur la terreur ». En garde à vue, Logan Nisin s’était expliqué sur le choix de ce nom : « Quel meilleur nom possible quand il s’agit de provoquer la remigration des Arabes par la terreur ? Si l’on fait un certain nombre de massacres, ils penseront : “la valise ou le cercueilˮ. » (...)

Il avait commencé à se constituer un arsenal : armes d’épaule et armes de poing ont été retrouvées au domicile de Logan Nisin et de son « bras droit », Thomas Annequin, ancien employé de la mairie de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) – à l’époque où Christophe Castaner en était le premier édile. Thomas Annequin est alors membre actif du Parti de la France (PdF), fondé en 2009 par Carl Lang et plusieurs autres anciens du Front national, qui présente plusieurs candidats dans le Sud et appelle notamment à la constitution d’une garde nationale armée composée d’au moins 100 000 personnes. En somme, à l’armement des citoyens.

Logan Nisin l’a pris aux mots. Ce jeune militant, abreuvé de vidéos néonazies dès l’âge de 13 ans, a fréquenté très tôt les Jeunesses nationalistes, jusqu’à la dissolution, en 2013, de cette organisation et de L’Œuvre française – mouvement créé en 1968 par Pierre Sidos (1) et repris par Yvan Benedetti – à la suite de leur implication dans la mort du militant antifasciste Clément Méric.

Le Mouvement populaire nouvelle aurore (MPNA) reprend une partie du flambeau. Il est lancé par Olivier Bianciotto, le 7 mars 2014, sur le modèle du mouvement néonazi grec Aube dorée. Logan Nisin s’y inscrit pleinement. (...)

Les attentats de 2015 vont générer un effet d’escalade chez ces militants. Si Logan Nisin pense d’abord à partir en Hongrie « se réfugier » dans le pays d’Orban, les attentats contre le Bataclan vont en réalité alimenter ses envies d’actions directes. Dès 2016, il crée un groupe Facebook en soutien à Anders Breivik, qui recueille plus de 3 000 abonnés. En 2017, il rend hommage à Alexandre Bissonnette – auteur d’une tuerie dans une mosquée à Montréal : 8 morts – qu’il appelle son « frère ».
Sauver la race blanche

Alors que le MPNA s’autodissout, Logan Nisin passe à la section marseillaise de l’Action française, malgré les différences idéologiques fondamentales entre les groupes. Obsédé par une constante : agir. Outre son hyperactivité sur le terrain militant, sa participation aux diverses bagarres contre des mouvements antifa, il s’investit dans des projets plus « construits ». Il est ainsi trésorier de France Village, porté par un certain Cédric Rivaldi, graphiste, qui cherche à acheter un terrain de plusieurs hectares afin d’y établir un village exclusif, pour « sauver la race blanche ». Un lieu où tout le monde aura « les mêmes idées et une conscience raciale », vante son instigateur dans une vidéo de février 2017, quelques mois avant l’arrestation de Logan Nisin. Ce lieu est présenté comme un endroit de repli en cas de guerre, et même en prévision de celle-ci (...)

Survivalisme et néonazisme se mêlent dans le fantasme d’un « grand remplacement », idée régénérée par l’essayiste Renaud Camus, qui en réalité – on l’a oublié – vient de bien plus loin : « Ce concept n’est pas une invention de Renaud Camus. Ce sont d’anciens membres des Waffen SS qui, dans les années 1950, ont développé la théorie selon laquelle les juifs provoquent la destruction de l’Europe par le métissage, et ainsi le remplacement de la population pour imposer la “dictature juive mondiale” par le biais de l’Organisation des Nations unies, explique le chercheur Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême droite, devant la commission d’enquête parlementaire sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite, en 2019. En supprimant, ces dernières années, la dimension antisémite du discours, on l’a rendu mainstream, mais ce concept est très antérieur. » (...)

Logan Nisin, abreuvé de cette culture de la guerre civile, trouve que l’action n’est jamais suffisamment radicale. Il organise alors sa propre milice pour appliquer sa loi du talion après les attentats : « Rebeus, blacks, dealers, migrants, racailles, djihadistes, si toi aussi tu rêves de tous les tuer, nous en avons fait le vœu, rejoins-nous ! » est-il écrit sur une ébauche d’affiche retrouvée chez lui par la police. Lorsqu’il est arrêté, le militant reçoit le soutien d’une grande partie de la sphère nationaliste qui l’entoure. Les anciens du MPNA, notamment son fondateur Olivier Bianciotto, qui a rejoint lui aussi le PdF, va même organiser une quête pour payer ses frais d’avocats.
« Tuez-les avant qu’ils nous tuent »

Tous justifient ces actions comme une « défense » à leurs yeux nécessaire et inévitable. Une posture qui aboutit à nier l’existence d’un terrorisme d’ultradroite. (...)