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Le Ptitgrain n°324
L’ordinaire et l’extraordinaire de François Hollande et de l’UE
Jean-Luc Gasnier
Article mis en ligne le 27 avril 2015

ançois Hollande ne voulait pas d’un sommet européen « ordinaire » pour « régler des questions qui sont devenues insupportables sur le plan humanitaire, insupportables sur le plan politique ». C’était donc mal parti car tout le monde connaît la qualité des engagements de notre Président. Et, effectivement, le Conseil européen de jeudi s’est montré à la hauteur des prédictions ordinaires de François Hollande : il n’a rien réglé et, selon l’expression du journal Médiapart, ce fut bien « un sommet cache-misère ».

Les Chefs d’Etat, réunis à Bruxelles, ont commencé leurs travaux par une minute de silence (dont F. Hollande a tendance à devenir un spécialiste) en hommage aux migrants et les ont poursuivis en promettant le fracas des armes et la destruction de leurs bateaux aux passeurs qui, de l’autre côté de la Méditerranée, ont dû se gausser devant tant d’impuissance programmée. Car la lâcheté et l’absence de décisions susceptibles de mettre véritablement fin à ces catastrophes humanitaires en série sont, compte tenu de la situation, pour le coup, vraiment extraordinaires.

Aucun geste significatif de solidarité n’est envisagé, on prévoit au contraire de renforcer la surveillance et de multiplier les expulsions de migrants vers les pays d’origine. Le triplement des moyens alloués au dispositif de secours et d’assistance « Triton », limité aux eaux territoriales des pays de l’UE, représente un effort dérisoire, insignifiant, au regard des besoins (cela équivaut à peine aux moyens engagés par la seule Italie dans le cadre de l’opération Mare Nostrum)

L’Europe reste donc une terre promise interdite, une espérance que l’on ne peut atteindre en tant qu’homme, en se prévalant de sa condition humaine, de son statut de réfugié, mais seulement dans l’illégalité, dans l’humiliation et la souffrance, en risquant sa vie, en tant que bête traquée livrée à des trafiquants et à des mafias sans scrupule. C’est une offense de plus aux victimes et un reniement, un renoncement aux valeurs qui sont censées fonder l’UE (respect de la dignité humaine, respect des droits de l’homme, . . ) L’Europe reste claquemurée ; il importe de protéger les frontières et non pas les personnes. C’est toujours la même logique qui prédomine. Quand on a l’espace Schengen dans la tête, on voit tous les problèmes humanitaires en forme de contrôle des flux migratoires. Il faut avant toute autre chose dissuader les migrants de vouloir trouver refuge en Europe ; leurs fuites doivent s’arrêter et se perdre dans les sables plutôt qu’en mer, au large des côtes libyennes.

Aujourd’hui, les dirigeants européens n’ont plus sous la main un dictateur à poigne mais suffisamment pragmatique pour faire le sale boulot. Mouammar Kadhafi était quand même d’une certaine utilité quand il s’agissait de parquer dans le désert les candidats à l’exil. Il faut désormais montrer son vrai visage, le visage d’un libéralisme économique sans âme et sans projet.
L’Union Européenne est un nain politique incapable de prendre une décision concertée. Elle reste un grand machin économique, vecteur de l’idéologie libérale, prisonnière des petits calculs et des intérêts à court terme des Etats membres. Elle laisse finalement les évènements imposer leur triste tempo, au gré des aléas et des soubresauts. Elle tente juste de réparer, à sa porte, quand elle y est acculée, les désordres les plus importants causés par le capitalisme, sorte de chien fou sur l’échiquier politique mondial. Pas de véritable diplomatie, pas de volonté, et surtout pas d’ambition humaniste. Un coup pair, un coup impair . . . On laisse faire le capital, ce sont davantage les intérêts privés que les intérêts publics qui arbitrent les situations : la spéculation financière en accentuant la hausse du prix des produits alimentaires de base est une des causes du Printemps arabe mais, après la chute des dictateurs, le capitalisme mondialisé reprend ses droits et ne propose rien d’autre que la rapacité des transnationales, européennes en particulier (1), fragilisant, déstabilisant encore davantage les populations, proies faciles pour les fondamentalistes religieux. La démocratie et la stabilité ne peuvent s’installer dans la misère, la frustration et l’exploitation. Et le capitalisme charrie, par-delà les mers, ses scories humaines.

De ce côté-ci de la Méditerranée, les dirigeants européens ont juste le souci, à très court terme, d’endiguer une marée qui monte inexorablement.

1.Le groupe Véolia a ainsi assigné en 2012 l’Etat égyptien devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), dénonçant notamment l’augmentation du salaire minimum égyptien, passé de 31 à 72 €, qui contrevenait, d’après la multinationale, aux engagements pris dans le cadre du partenariat public-privé signé avec la ville d’Alexandrie pour le traitement des déchets.