
Alors que débute le semestre d’automne 2021, l’offensive du gouvernement turc contre l’Université de Bogazici (Université du Bosphore à Istanbul) en vient à menacer son existence même. Les enseignants et les étudiants se mobilisent et en appellent à la solidarité internationale. Nous publions ici leur déclaration.
Un appel des enseignants à la solidarité internationale
Alors que débute le semestre d’automne 2021, l’offensive du gouvernement turc contre l’Université de Bogazici (Université du Bosphore à Istanbul) en vient à menacer son existence même.
Il y a dix mois maintenant que le Président turc, par décret passé dans la nuit du Jour de l’An, avait nommé « son » recteur à la tête de l’Université de Bogazici. Devant la résistance générale des universitaires et des étudiants, le Président Erdogan était contraint d’annuler sa nomination en juillet dernier. Le poste ayant été mis au concours, dix-sept professeurs se portèrent candidats, ainsi que deux précédents vice-recteurs associés à la gestion du recteur compromis. Le corps des professeurs rejeta leur candidature par un vote de défiance organisé en son sein, par 94% des suffrages. Des résultats semblables furent obtenus dans les collèges des étudiants, du personnel administratif et des anciens diplômés. Ignorant ces résultats sans appel, le Président Erdogan n’en décida pas moins de procéder à une nouvelle nomination autoritaire, et nomma recteur le vice-recteur Naci Inci contre l’avis des enseignants, des administratifs et des étudiants. Et comme on pouvait le craindre le nouveau recteur entreprit immédiatement de faire la démonstration qu’il était là pour multiplier les atteintes aux libertés académiques et à l’autonomie de l’université.
Par deux fois la police anti-émeute envahit le campus, arrêtant 59 étudiants et brutalisant des enseignants. C’est le recteur en personne qui avait dénoncé les étudiants au procureur général, entraînant l’arrestation de deux d’entre eux désignés par lui. L’intention du Président Erdogan est d’accroitre les pouvoirs du recteur en y incluant le maintien de l’ordre. Par une autre décision prise sans discussion, le statut d’espace protégé du campus a été modifié, de façon à l’ouvrir aux investissements privés. On voit que ni le campus ni l’avenir de l’université ne sont en mains sûres. (...)
L’Université de Bogazici n’est plus administrée suivant des règles de droit ; les organes élus ne fonctionnent plus ; le bon sens est mis au rebut. Comme on le voit dans l’énumération ci-dessous, la qualité de l’enseignement, celle de la recherche, et la culture démocratique et pluraliste prennent tous les coups.
Malgré ces atteintes, nous enseignants de Bogazici sommes plus que jamais résolus à défendre et à préserver les valeurs qui ont fait de cet établissement une « université » au sens authentique du terme. Nous tenons à souligner que Bogazici est une communauté faite de professeurs, d’étudiants, de personnels administratifs et d’anciens diplômés. Nous continuerons de faire savoir au monde extérieur qu’elle défend le principe d’une administration transparente et démocratique, fidèle aux principes académiques et démocratiques, opposée à l’arbitraire et au pouvoir personnel.
Le traitement infligé par le gouvernement actuel à l’Université de Bogazici ne diffère pas de celui qui a conduit à l’élimination de toute une série d’institutions et d’établissements vénérables en Turquie ou au remplacement de leurs cadres par des individus fidèles au gouvernement. Bogazici n’est pas la première que vise cette politique de mise à sac. (...)
Partout dans le monde aujourd’hui des universités font l’objet d’offensives antidémocratiques lancées par des gouvernements autoritaires ou poursuivant un agenda néolibéral. Notre combat s’inscrit dans une lutte internationale pour l’autonomie et la démocratie dans l’enseignement supérieur.
C’est pourquoi nous appelons l’opinion publique de tous les pays à soutenir notre lutte et à adopter notre mot d’ordre : Nous n’acceptons pas ! Nous ne renonçons pas !
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